• Chapitre 5 : Retenir

    POV de Raphaël

    Je dois vraiment être fatigué, voir Thomas ne me choque même pas. La seule chose qui m'a perturbé, c'est quand il m'a dit qu'Alexandre avait kidnappé Gabriel. Quel intérêt, il a eu de faire ça, je ne comprends pas. Je ne l'ai pas revu depuis des semaines et tout le monde a l'air d'être plus au courant de ce qu'il fait que moi. Ca me déprime encore plus.

    -Comment tu comptes t'y prendre pour récupérer Gabriel ? Demande Thomas.

    -Je compte aller en Enfer.

    -Comme ça ? Sans te préparer ?

    -Les démons ont peur de moi.

    -Et si tu tombes sur Alexandre, qu'est-ce que tu feras ?

    Le geste que j'étais en train de faire reste en suspens. C'est vrai que je n'y ai pas pensé, parce qu'en fait, je m'étais fait à l'idée de ne plus le revoir. Mais, si c'est le cas, alors qu'est-ce que je ferais, comment je réagirais ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais j'ai peur de tomber, de m'écrouler à terre face à la réalité, parce que jusqu'ici, j'ai essayé de la fuir.

    Je m'assois sur une chaise à côté de Thomas. Il a raison, si je ne me prépare pas, je ne ferais que m'enfoncer davantage.

    -Eh Raphaël, ça va ?

    -Oui. Ca devrait aller.

    -Tu es sûr ? Vous aviez l'air de si bien vous entendre, je ne comprends vraiment pas ce qui se passe. J'avoue que tout ce qui compte, c'est que je récupère Gabriel.

    -Je comprends.

    Je me sens complètement perdu. Thomas est là et il me regarde, un peu inquiet. Dire qu'il a été embarqué dans cette histoire. Je me lève, incapable de rester assis. Même si je suis fatigué, je suis une véritable pile électrique et je n'aime pas rester ici.

    -J'ai besoin de sortir.

    -Maintenant ?

    -Oui, j'ai besoin de prendre l'air. Je n'arrive pas à rester ici, depuis…

    Les mots se coincent dans ma gorge. Je ne veux pas y penser, je suis pathétique, me rendre malade pour ce mec, alors que depuis le début, je l'ai toujours repoussé. Je préfère l'ignorer, c'est mieux comme ça. Je vais mettre ma veste et mes chaussures.

    -Et moi, je fais quoi ? Je me tourne les pouces ?

    Il est amer, je le comprends. Il est coincé dans un monde qu'il ne connait pas. Enfin, coincé n'est pas le mot, parce qu'il peut repartir quand il veut, mais c'est parce qu'il ne veut pas justement.

    -Je suis désolé, Thomas. Je vais essayer de me reprendre. Tu vis une chose bien plus grave que moi.

    -Pas forcément plus grave, parce que nos situations sont presque identiques, nous avons tous deux perdus une personne que nous aimons.

    -Oui, dis-je en baissant la tête. Est-ce que tu veux venir avec moi ?

    -Si tu veux, ça me fera du bien de sortir un peu. Je n'aime pas vraiment perdre mon temps, mais j'imagine qu'il faut que l'on réfléchisse à un plan, au lieu de foncer tête baissé. Pourtant, ce n'est pas dans mes habitudes de réfléchir. Habituellement, j'aurais déjà foncé dans le tas et j'y serais retourné, quitte à y laisser ma vie.

    -Gabriel ne souhaiterait pas ça.

    -C'est pour ça que je me force à réfléchir, dit-il en souriant.

    Il se lève et nous sortons de l'appartement. Je suis content d'avoir quelqu'un près de moi, même s'il n'est pas là, juste pour me voir. Mon téléphone sonne alors que nous passons la porte de l'immeuble.

    -Attends, excuse-moi, dis-je. Allo ?

    -Raphaël, c'est Sébastien.

    -Salut ! Dis-je contrarié.

    -Est-ce que tu vas bien ?

    -Oui, ça va et toi ?

    -Ca va. Ecoute, je suis désolé pour hier soir. Je ne voulais pas me fâcher avec toi.

    -Je sais. Je suis désolé aussi. En ce moment, je suis vraiment sur les nerfs.

    -J'ai remarqué et je sais qui en est la cause.

    -Si on pouvait éviter d'en parler.

    -Oui, je comprends. Est-ce que tu veux qu'on passe ce soir, avec Anaïs ? Demande Sébastien.

    -J'ai un ami à la maison, peut-être plus tard.

    -Un ami ? Je le connais ?

    -Non, ça ne fait pas longtemps que je le connais.

    -Ah ! Bon, ok ! Eh bien, je suppose qu'on se verra plus tard.

    -Oui, à plus tard, Séb.

    -A plus, Raphaël.

    Je raccroche. J'ai bien compris qu'il était déçu. Je pense qu'il aurait voulu qu'on se réconcilie autrement qu'au téléphone. Je regarde Thomas à côté de moi, qui regarde ailleurs, comme s'il ne voulait pas écouter la conversation.

    -Je suis désolé, d'avoir été si long, dis-je à Thomas.

    -Aucun problème, ça m'avait l'air important.

    -Assez oui.

    -Tu sais, je ne veux pas être une gêne pour toi, tu peux faire ce que tu fais d'habitude.

    -Ne t'en fais pas, le plus important, c'est qu'on retrouve Gabriel. De plus, je ne veux pas que mes amis soient impliqués, ils l'ont déjà été par le passé et je n'ai pas envie que ça recommence.

    -Je comprends.

    Nous commençons à marcher lentement. Il ne fait pas très beau, mais il ne pleut pas. C'est presque déprimant ce temps. Nous continuons jusqu'à arriver au parc, je me retrouve souvent ici et la dernière fois, ça n'a pas vraiment été une bonne expérience. Thomas semble regarder un peu partout, observant les alentours.

    -C'est là qu'il m'a amené, dit-il.

    -Ah ! C'est bien son genre. Je me demandais comment tu étais arrivé jusque chez moi. Je ne me souviens pas qu'on t'ait donné mon adresse.

    -Un certain Abel m'a indiqué le chemin.

    -Abel, toujours lui.

    -Tu le connais.

    -Oui, très bien. C'est un démon, eh bien… Je ne sais pas vraiment comment le décrire en fait. Mais, ça n'a pas d'importance.

    J'observe Thomas, qui n'est pas plus grand que moi. Son aura est vraiment étrange, sûrement dû aux ténèbres. Pour l'instant, mon côté destructeur n'est pas ressorti. Tant qu'il ne fait rien pour provoquer un déséquilibre, je pense que ça ira. Nous continuons notre marche et nous arrivons devant une maison abandonnée. Je reste un moment devant. Thomas s'approche de moi et m'effleure le bras. Je m'éloigne brusquement, j'ai senti ce qu'il y avait en lui. C'est attirant, mais dangereux aussi, une puissance à ne pas mettre entre toutes les mains et surtout pas celles d'Alexandre, maintenant qu'il est devenu maître des Enfers.

    -Je suis désolé, dis-je.

    -Ce n'est rien. Pourquoi on est ici ?

    -C'est une des entrées de l'Enfer.

    -Une des entrées ? Il y en a plusieurs ?

    -Oui, mais je n'ai jamais trouvé les autres, ou plutôt je n'ai jamais vraiment cherché. De toute façon, je pense que toutes les entrées, mènent au même endroit, devant la porte des Enfers.

    -Pourquoi on n'y entre pas ? Demande Thomas qui semble tout à coup exalté.

    -Parce qu'il y a un chien qui garde la porte.

    -Un chien, je suis sûr…

    -Ne crois pas ça. C'est un chien à trois têtes, nommé Cerbère et il n'obéit qu'à Alexandre.

    -Ah ! Dit-il déçu. Mais il y a peut-être une possibilité de contourner le problème.

    -Il y en a une, mais on se jetterait directement dans les bras des démons.

    -Bien, alors, on n'est pas plus avancé.

    -En effet.

    Il regarde la maison avec intensité. Je sais qu'il a envie d'y aller. Il y a encore quelques heures, moi aussi je voulais y aller directement, mais quand je réfléchis bien, ça ne va pas être si facile. Il s'avance et j'attends de savoir ce qu'il va faire. Comme je m'y attends, il disparait, il a envie d'en savoir plus et je pense qu'il a envie de retrouver Gabriel au plus vite. Je le suis et le retrouve devant la porte.

    -Comment on entre ? Demande-t-il.

    -Ce n'est pas une bonne idée.

    -Tu voulais foncer tête baissé ce matin.

    -Je sais, mais c'est toi qui m'as demandé de réfléchir, non ?

    -C'est vrai, dit-il en regardant la porte avec envie. Mais, cet endroit m'attire.

    -Oui, c'est sans doute à cause de ce qu'il y a en toi, c'est de même nature.

    -Oui.

    -Allez, viens.

    -Mais…

    Je m'approche de lui et le prends par le bras. Je me fige un instant, essayant de ne pas perdre l'esprit et c'est quand je sens une main inconnue sur mon bras, que je reprends conscience.

    -Ne restez pas ici, c'est dangereux.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique