Mémoire - Epilogue

Epilogue

Ca aurait pu se terminer ainsi. J'ai failli mourir et je ne peux qu'être heureux d'être toujours en vie. Alexandre est resté avec moi. Pourtant, difficile de lui dire exactement ce que je ressentais. Beaucoup de choses se sont passés et même si je le voulais, je ne pourrais pas l'oublier. Avec toute la patience dont il pouvait faire preuve, Alexandre m'a laissé faire comme je voulais, attendant le moment où je lui dirais ce qu'il voulait entendre.

Ca n'a pas été facile, je n'étais pas encore prêt à lui confier mes sentiments, à l'époque c'était beaucoup trop tôt. Gabrielle était encore jeune et je me suis aperçu après ma deuxième opération que je n'étais pas encore prêt à assumer une véritable relation avec lui. J'avais peur, peur qu'on découvre qui j'étais réellement, même si les acteurs principaux de ma vie étaient au courant.

Lucie et moi, nous avons divorcé, deux ans après notre séparation convenue. Ca a été plutôt difficile à supporter pour Gabrielle. Voir ses parents s'éloigner l'un de l'autre, comme ça. Elle ne comprenait pas pourquoi, elle devait être ballotée d'une maison à l'autre, mais à présent, quinze ans plus tard, et après de multiples explications, elle sait enfin qu'elle n'a pas une famille comme les autres, mais qu'on l'aimera toujours.

-Tu n'étais pas obligé de préparer tout le dîner, tout seul, dis-je à Alexandre.

-Je suis cuisinier, je te le rappelle, dit-il. Et si je ne cuisine pas pour les gens que j'aime, je n'en vois pas l'intérêt.

-Tu cuisines pour les autres et tu es un excellent chef à la tête de trois restaurants à présent. Tu t'es fait une belle réputation.

-C'est vrai, mais j'aspire à obtenir les étoiles tant convoitées.

-Tu as raison.

Je le regarde cuisiner. Il ferait presque ça les yeux fermés. Gabrielle et Lucie entrent dans la cuisine, se demandant ce que nous trafiquons certainement.

-On se demandait, si n'étiez pas en train de faire des cochonneries, dit Gabrielle.

-Gabrielle ! Dis-je avec désapprobation.

-C'est maman qui l'a dit.

-Lucie, ce n'est pas des choses à dire à notre fille.

Lucie hausse les épaules en souriant.

-Sois pas rabat-joie, papa, je ne suis plus une petite fille. J'ai bien compris, tu sais.

-Pour moi, tu seras toujours ma petite fille à qui je changeais les couches quand elle était bébé.

-Et voilà ! Séance nostalgie en marche, dit-elle en souriant avant de sortir de la cuisine.

-Pas de bêtises, dit Lucie avant de sortir à son tour.

Je souris et jette un œil à Alexandre, qui m'a semblé rougir tout le long de cette conversation. Je me demande s'il se fait à l'idée d'être aussi bien accueilli par mon ex-femme et ma fille. Mais, en cette veille de Noël, quoi de mieux que d'être en famille ? Mes parents sont là, le père de David, le mari de Lucie, tous au complet.

-J'aurais aimé qu'Ojiisan et Obâsan soient là, dis-je. Ils me manquent.

-A moi aussi, ton grand-père m'a tout appris.

-Au fait, tu as eu des nouvelles récemment de Subaru ?

-Oui, on s'écrit des mails de temps en temps.

-Ah !

-Ne sois pas jaloux, on n'a plus ce genre de relation depuis longtemps. Et puis, je pensais que tu savais que j'étais amoureux de quelqu'un d'autre.

-Ah oui ? Je ne vois pas du tout qui ça peut-être.

-Eh bien, tant pis pour lui, il ne sait pas ce qu'il rate.

-Je suis sûr qu'il sait la chance qu'il a, dis-je en me penchant pour l'embrasser. Parce que lui, il l'aime aussi.

Je regarde l'air ahuri d'Alexandre. C'est vrai que c'est rare que je lui dise, mais je pense que c'était le bon moment. Je rejoins ma famille, Alexandre nous rejoins peu après, tendant le plat de chapon qu'il nous a préparé pour le réveillon. Je regarde ma montre à gousset en souriant. Il est presque minuit. Je regarde ma famille au complet, un sourire radieux sur leur visage et c'est là que je comprends. Des instants comme ça, on n'aimerait tous les graver dans notre mémoire à jamais.