• I

    Marcus Tibérius

     

    Me voici arrivé dans une ville inconnue. Je ne pensais pas que j’en arriverais là si jeune. Le même destin que mon ancêtre, condamné à devenir jeune, mais comme lui je compte bien recouvrer ma liberté dès que je le pourrais. Ce n’est qu’une question de temps et de patience. On m’a capturé alors que je me promenais dans une forêt près de mon village, des barbares germains, qui m’ont vendu à un marchand d’esclaves romain. Je me souviens encore de son sourire carnassier quand il m’a vu arriver, comme si j’étais son prochain repas pour le déjeuner. Il m’a regardé sous toutes les coutures, avant d’accepter le marché pour une somme misérable. C’est vrai qu’un enfant comme moi, ne doit rien valoir. Je me demande bien pourquoi il m’a acheté d’ailleurs.

    Je suis attaché à d’autres esclaves qui marchent bien plus vite que moi grâce à leur grande jambe. Je peine à les suivre, mais je tiens bon. Je suis un celte ou gaulois comme ils m’appellent, je ne compte pas déshonorer ma famille. Quand je repense à cette dernière, je me dis que j’aurais dû écouter mon père et ne pas m’aventurer seul en forêt. J’en paie le prix aujourd’hui. J’imagine sans peine qu’ils me recherchent, mais ils abandonneront très vite en me voyant pas revenir.

    Je suis déjà bien loin sur les routes qui mènent à Rome. Plusieurs jours de marche dans des conditions déplorables, mais je ne compte pas me plaindre. Personne ne m’a rien demandé, personne ne s’occupe de moi. Ils pensent un peu à moi quand vient l’heure de manger, mais la pitance est misérable. Je dois me contenter du minimum, moins encore qu’un homme qui peut servir.

    Après quelques jours de galère où je souffre de la faim et nous arrivons dans la ville. Je suis surpris par la configuration des lieux, tout y est si différent de chez moi, plus… moderne, plus riche. Pourtant, en chemin je croise des mendiants qui demandent une pièce pour pouvoir manger. Le marchand les repousse sans pitié, leur assenant même des coups de pied quand ils s’approchent d’un peu trop près.

    Avant d’être vendu sur la place du marché, nous passons une nuit dans cette ville incroyable. Je ne dors presque pas, trop inquiet de ce qui pourrait se passer le lendemain. Sur qui vais-je tomber ? Sera-t-il gentil ? Non, ils sont tous abjectes avec leurs esclaves, je ne dois pas me faire d’illusions. Mais comme pour mon ancêtre, j’espère tomber sur quelqu’un qui saura voir les qualités que j’ai en moi.

    Le lendemain, c’est fatigué que je suis traîné sur la place. Dire qu’il y a encore plusieurs jours j’étais libre, je riais encore avec mes camarades, j’étais près de ma mère et mon père et aujourd’hui me voilà entouré de ces charognes puantes qui me lorgnent du regard. Après avoir vendu deux hommes et une femme, le marchand s’approche de moi.

    -         Quel est ton nom ?

    -         Marcus Tibérius, dis-je.

    -         Ne te moque pas de moi, dit-il sur le point de frapper. Tu n’es qu’un sale gaulois.

    -         Si je vous dis mon nom… vous le regretterez.

    -         Dépêche-toi, dit-il. Je n’ai pas la journée.

    -         Alexandre, dis-je finalement.

    -         Alexandre ? se moque le marchand. Ridicule. De toute façon quelle importance finalement, tes nouveaux maîtres te nommeront comme ils le veulent.

    -         Vous allez le regretter, dis-je.

    Il me regarde comme si je n’étais qu’une mouche poser sur son épaule, puis se détourne de moi avant de m’annoncer. Il n’aurait jamais dû me demander mon nom, je me demande même pourquoi il était si intéressé soudainement. Peu importe, dans quelques jours, il sera mort. Je regarde l’assistance alors qu’il essaie de louer des qualités que je ne pense pas avoir, il me pousse vers l’avant de la scène.

    -         Regardez ces yeux, ce sont ceux d’un lion. Vous ne le regretterez pas.

    Je regarde l’assistance, certains ne semblent pas très réceptif, d’ailleurs aucun n’a l’air de me vouloir ce qui agace encore plus le marchand. Qui voudrait d’un gamin de sept ans pour le servir ? Je ne sais rien faire, ou plutôt je ne sais pas comment je pourrais les servir. Je n’ai appris qu’à chasser avec mon père et les histoires que nous racontait le druide du village.

    Je connais par cœur les histoires de mon ancêtre Alexandre 1er du nom, connu sous le nom de Marcus Tibérius. Il a voyagé avec le célèbre Alexandre le Grand, roi de Macédoine qui a conquis toute une partie du monde. A présent, son empire n’est plus, mais sa mémoire est toujours là. Mes parents ont jugé bon de me donner le prénom de mon ancêtre ainsi que son surnom et j’ai appris à mes dépend ce que cela impliqué. Quand j’y repense, je ne peux m’empêcher d’éprouver à la fois colère et tristesse. Mais, je pense que cela pourra m’être utile en temps voulu.

    Personne ne réagit, alors que le marchand essaie encore de me vendre en vain. C’est alors que je croise le regard d’un homme au loin, qui me regard avec insistance. Un jeune homme qui ne doit pas avoir encore vingt ans, d’apparence plutôt maigre, les cheveux sombres coupés très courts, mais avec une prestance incroyable. Il me transperce littéralement de ses yeux noirs et je me dis que si je devais servir quelqu’un, ce serait un homme comme lui. J’avance, manquant de tomber de la scène. Le marchand me retient, mais sans que personne ne comprenne, je saute de mon perchoir et me retrouve dans l’assistance, avant de courir vers cet homme au regard impassible.

    J’entends à peine les gens se plaindre de mon comportement alors que je suis face à cet homme qui me regarde de toute sa hauteur. Vu de près, il ne semble plus si maigre. Il semble attendre que j’agisse et alors que je m’apprête à lui parler, deux hommes viennent afin de m’emmener. Je me débats afin qu’ils ne me ramènent pas sur la scène, j’entends des murmures à côté de moi, disant que jamais de leur vie, ils ne voudraient quelqu’un comme moi.

    -         Achetez-moi, dis-je à l’homme aux yeux noirs.

     

     

     


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