Chapitre 49

Je suis nerveux. Je ne pensais pas qu’aller à un rendez-vous m’angoisserait autant. J’ai mis plus de temps que d’habitude à me préparer. Je ne savais pas trop ce que j’allais mettre. A un moment, je me suis rendu compte que j’étais vraiment ridicule.

-       Cédric, tu es prêt ? me demande Marie derrière la porte de ma chambre.

-       Oui, dis-je en sortant.

-       Pas trop nerveux ?

-       Si, très. En fait… c’est mon premier rendez-vous, j’espère que je ne vais pas être trop maladroit et que je ne vais pas commettre d’impair.

-       Reste naturel et je suis sûr que ça ira. Vous vous connaissez déjà, ça devrait aller.

-       Oui, dis-je en souriant.

Pour autant, je ne suis pas très rassuré. Je me rends dans le salon et récupère ma veste qui est resté sur une chaise. Akira est assis sur le canapé et est en train de lire son journal.

-       Bon ben, j’y vais, dis-je.

Il baisse son journal quelques secondes, puis reprend sa lecture comme si de rien n’était. Même s’il ne dit rien, je sais qu’il me soutient quand même. Il n’est pas vraiment du genre à me donner des conseils. Depuis que je suis ici, ses silences ont été bien plus éloquents pour moi que ses paroles. D’ailleurs, je me souviens encore la première fois que je suis allé à la maison d’édition. S’il n’avait pas été là, si je n’avais pas senti sa présence derrière moi, j’aurais sûrement rebroussé chemin et je serais rentré chez moi, sans même avoir tenté quoi que ce soit. Ça aurait été une belle erreur. Alors, malgré son mutisme latent, je sais qu’il est très attentif à ses proches. Et je pense aujourd’hui que je peux me considérer comme l’un d’eux.

-       Amuse-toi bien, dit Marie alors que je m’apprête à sortir.

-       Oui. A ce soir !

-       A ce soir.

Habituellement, je marche tranquillement quand je me rends à l’atelier. Ce dernier n’est pas tout proche, mais prendre la voiture est exclu et je n’aime pas trop les transports en commun en général. Je ne les prends que quand il pleut, que je suis en retard ou que je n’ai pas le choix. Aujourd’hui pourrait faire office d’exception, puisque j’ai un rendez-vous, mais d’une, je sais que Kaoru ne sera pas prête quand je vais arriver et de deux, j’ai envie de profiter du soleil qui nous fait la gentillesse d’être là pour ce jour si spécial.

J’arrive plusieurs minutes après à l’atelier avec bonne humeur. Au lieu de prendre l’ascenseur, je prends les escaliers et dès que j’entre dans la pièce principale, je suis surpris de découvrir que Mashiro et Ken sont là.

-       Salut ! dis-je. Qu’est-ce que vous faites-là tous les deux ?

-       Je les ai invités, dit Kaoru. Comme on avait prévu de fêter la sortie de mon manga à l’étranger, je me suis dit que ce serait une bonne idée qu’on soit tous ensemble. Ça ne te dérange pas, j’espère ?

Je reste un moment bloqué, incapable de parler. Je ne m’étais pas attendu à celle-là. Je regarde tour à tour Mashiro et Ken, mais ils détournent le regard comme pour dire qu’ils ne sont pas responsables de ça. Puis, mon regard se fixe sur Kaoru et j’ai une drôle d’impression.

-       Non… non, non, ça ne me gêne pas, dis-je. C’est normal, après tout, ils ont beaucoup travaillé pour que tu puisses en arriver là. C’est logique qu’ils fêtent ça avec nous.

Je ne sais pas si elle se rend compte de mon sourire forcé, mais je ne vois pas comment je pourrais être plus déçu que je le suis en ce moment. J’ai attendu ce rendez-vous en tête à tête avec elle durant deux jours et au final, je me retrouve embarqué dans une sortie à quatre. Qu’est-ce qui a foiré ? C’est pourtant elle qui m’a dit que c’était un rendez-vous ? Je n’ai pas rêvé, si ? Ou alors, je me suis fait un gros film et j’ai mal interprété ses paroles. J’ai peut-être mal compris son japonais. Je suis vraiment nul.

-       On y va ? demande Kaoru. Il faut juste que je passe à la rédaction rendre mon storyboard à Daisuke. Comme il était prévu qu’on sorte, je lui ai dit que je lui apporterais directement.

Mashiro et Ken acquiescent. Ils se lèvent de leur chaise de bureau et nous voilà parti. Du coup, je ne sais même pas ce qu’on va faire exactement. Heureusement que je n’avais rien prévu et que je ne lui en ai pas parlé, ça aurait sûrement jeté un froid entre nous. Kaoru marche devant avec Mashiro et elle a l’air très enthousiaste. Je viens seulement de remarquer, qu’elle s’était pomponnée pour l’occasion. Une jupe noire et un T-shirt rose, une veste assortie et des bottes. Elle a tressé ses cheveux longs et s’est même maquillée pour l’occasion. En la voyant comme ça, j’ai vraiment l’impression qu’elle attendait notre rendez-vous, sinon pourquoi avoir pris tant de soin sur son apparence ? J’avoue que je ne comprends rien à rien.

-       Désolé, dit soudain Ken.

-       Pourquoi tu t’excuses ? demandais-je surpris.

-       Mashiro et moi, on s’incruste dans ton rendez-vous, dit-il. On a été surpris quand Kaoru nous a invités, on a même essayé de refuser, mais elle a tellement insisté qu’on a fini par céder.

-       Oh !

-       Tu sais, je crois qu’elle avait peur.

-       Peur de quoi ? De moi ?

-       Un peu, je pense. Mais, c’est surtout que c’est son premier rendez-vous depuis longtemps, je crois qu’elle a flippé. Tu sais, elle a beau dessiner des Shôjo, elle n’en reste pas moins une novice dans les relations amoureuses.

-       Oh ! Eh bien, je ne pense pas être mieux placé.

-       Quoiqu’il en soit, désolé, répète Ken. Dès qu’on le pourra, on vous laissera tous les deux.

-       Merci, c’est sympa.

-       De rien, on est potes après tout.

-       Oui, dis-je surpris qu’il me dise ça. C’est vrai, on est potes.

Je ne pensais pas que Mashiro et Ken me considéraient comme un pote. J’avoue que ça me fait plaisir, d’autant plus que ce sont des personnes que j’apprécie beaucoup. Je suis vraiment content d’avoir pu les rencontrer, tout comme Kaoru.