• Chapitre 4

     

    Les yeux bleus

     

          Deux jours étaient passés depuis la mort de Sayuri et Samuel cherchait sans relâche Raphaël. Il rencontrait des démons, mais c’était sans succès. Beaucoup avaient peur de lui et les autres étaient assez fous pour le combattre. Le problème était qu’aucun d’entre eux, n’était capable de le renseigner. Il n’avait presque pas dormi et la seule chose qu’il entendait, c’était que ce serait bientôt la fin des anges. Cela rendait fou de joie les démons, seulement quelques-uns d’entre eux n’auraient jamais l’occasion de voir ça.

          Samuel avait eu plusieurs accès de rage et les démons n’en avaient pas réchappé. Cette fois, il traquait un groupe qu’il suivait depuis un moment et étrangement un autre démon les avait rejoints. Il semblait différent, mais Samuel préféra ne pas s’en préoccuper. Il s’avança vers le groupe et tira un démon par le col de sa veste.

    -         J’ai quelques questions, dit Samuel alors que son visage était caché par une capuche attaché à un long manteau noir.

    -         C’est toi qui t’attaque aux démons depuis deux jours ? Le borgne, c’est ça ? demanda une voix.

          Samuel s’aperçut que c’était le nouveau venu qui venait de parler. Il était dans l’ombre et il ne pouvait pas voir son visage.

    -         Pourquoi me le demander, si tu le sais ? demanda Samuel.

    -         Par politesse.

          Samuel savait qu’il souriait. Cela s’entendait dans sa voix. Il se débarrassa des démons qu’ils l’attaquaient, puis se retrouva devant celui qui avait parlé.

    -         Tout le monde parle d’un homme à l’œil caché et j’ai bien envie de me battre contre toi.

          Samuel s’avança. Il semblait que ce démon était différent des autres. Il s’avança vers lui. Lui aussi avait caché son visage. Il portait une veste munie d’une capuche qui lui couvrait entièrement le bas du visage. Sam se demanda quel genre de démon c’était.

    -         Pourquoi pas, dit Samuel.

          Ils restèrent un moment à s’observer puis, ils s’attaquèrent en même temps. Sam sentit qu’il y avait quelque chose. Son type de combat lui était familier. Mais qui était ce démon ? Samuel avait beau lui donner des coups, il les esquivait. C’était comme s’il se battait avec un courant d’air et il n’avait eu cette sensation avec personne d’autre que lui. Devait-il se poser la question ? Etait-ce bien celui à qui il pensait ?

          Se poser la question lui fit perdre sa concentration et le démon prit le dessus. Ils se retrouvèrent à terre, le démon le bloquant au-dessous de lui. Et c’est à cet instant que Samuel le vit enfin. Il écarquilla les yeux, surpris.

    -         Je t’ai enfin retrouvé, dit l’autre.

          Samuel resta figé. Comment pouvait-il être là ?

    -         David ! dit Samuel dans un souffle.

          David lui sourit, mais son sourire disparut rapidement et il le frappa. Ça le démangeait trop et soudain la colère qu’il avait enfermée ces dernières années était sur le point de ressurgir. Samuel savait qu’il l’avait mérité. Il se redressa légèrement, le nez en sang, une légère marque apparaissant sur sa joue. Il regarda David, jamais il n’avait réellement cru revoir ses yeux bleus. Sayuri avait eu raison, mais elle n’était plus là pour le constater.

    -         Tu vas venir avec moi, dit David en lui prenant brusquement le bras.

          David le força à se lever. Sam l’observa avec étonnement. David détournait le regard et il semblait émaner de lui une colère intense. Samuel fronça les sourcils et dégagea son bras.

    -         Il n’est pas question que je t’accompagne, dit Samuel. J’ai d’autres projets.

    -         Tu n’as pas le choix. Je t’emmènerai de force, s’il le faut.

    -         Alors, vas-y, essaie, mais je ne te suivrai pas de mon plein gré. En attendant, je m’en vais.

          David lui reprit le bras et le força à lui faire face. Il était hors de question de le laisser partir. Il le rapprocha de lui et lui assena un coup de poing dans le ventre qui le plia en deux.

    -         David !

          Mais David ne voulait pas l’écouter et Samuel n’eut pas le temps de faire un geste qu’il se sentit transporté. Quand ils arrivèrent, Samuel atterrit sur le bitume, tenant David par la manche. Finalement, il était bien plus fatigué qu’il ne le pensait. Ces deux jours avaient été éreintant et son altercation avec David l’avait fatigué. David ne bougeait pas et ne l’aidait pas. Samuel se laissa gagner par la fatigue et tomba à ses pieds Celui-ci le souleva et l’emmena chez sa mère. Quand il arriva, il fut surpris de voir que tout le monde était là. Sealiah, Thomas, les jumeaux Anaïs et Sébastien, Alexandre et sa mère.

    -         Tu l’as retrouvé, dit Thomas.

    -         Comment vous saviez ce que j’allais faire ? demanda David.

    -         Ta mère nous a tout dit.

    -         Alors, vous êtes au courant pour Raphaël, aussi ?

    -         Oui, répondit Thomas.

    -         Je vais aller coucher Samuel dans une des chambres, je reviens.

          Il ne pouvait empêcher sa voix d’être froide. Depuis qu’il avait retrouvé Samuel, il était en colère. Il ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir et toute la rancœur qu’il avait éprouvé réapparaissait sans qu’il ne puisse l’en empêcher.

          Il posa Samuel sur son lit et l’observa. Il avait un peu changé, vieilli, mais n’était-ce pas sa barbe qui lui donnait cette impression ? Il avait un bandeau sur l’œil droit et ses souvenirs lui revinrent, ils lui rappelèrent ce qui s’était passé et comment il l’avait perdu.

          Pourquoi Samuel avait choisi de l’ignorer, toutes ces années ? Pourquoi ne lui avait-il pas fait partager son bonheur ? Pour l’avait-il laissé seul et l’avoir laissé affronter la Communauté ? Il était enragé et il avait envie de le frapper.

    -         David ? demanda une voix derrière lui.

          David se retourna. Alexandre, son seul soutient depuis sept ans. Qui l’aurait cru ? Alors qu’il fuyait ce garçon, parce qu’il craignait la vérité. Alexandre était le fils de Lucifer et finalement il l’avait accepté.

    -         Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il.

    -         Est-ce que ça va ?

    -         Je ne sais pas. Il est très fatigué. Il s’est écroulé à mes pieds.

    -         En fait, je demandais ça pour toi.

    -         Quoi ? Moi ? Mais oui, ça va. Je l’ai retrouvé.

          Sa voix s’éteignait à chaque mot. Il détourna le regard, de peur qu’Alexandre sache ce qui se passait dans sa tête.

    -         Eh David ! Ne mens pas, dit Alexandre en se rapprochant. Je commence à te connaître depuis le temps.

    -         Je t’assure que ça va.

    -         Tu as mauvaise mine. Tu es parti deux jours. Est-ce qu’au moins, tu t’es reposé ?

          Alexandre observa David silencieusement. Il n’avait pas besoin de parler, Alexandre avait très bien compris qu’il n’avait pas arrêté de chercher Samuel.

    -         Allez, viens, il faut que tu te reposes. Ça ne sert à rien de…

          Alexandre regarda par-dessus l’épaule de David. Ça lui plaisait d’être plus grand que lui, mais ce n’était pas le moment d’y penser. David se retourna. Samuel s’était assis sur le bord du lit.

    -         Ca y’est, tu t’es réveillé, dit Alexandre en s’approchant de Samuel.

    -         Alexandre ? Mais où on est ? demanda Sam.

    -         A la Communauté.

          Samuel se leva brusquement. Il se souvenait de ce qui s’était passé. Il vit alors David. Ses yeux bleus le regardaient intensément et il semblait toujours en colère. Samuel fronça les sourcils et passa à côté de lui sans un regard.

    -         Je ne peux pas rester ici.

    -         Samuel ! l’appela Alexandre.

    -         Ça ne sert à rien de me retenir, dit Samuel.

          Samuel passa la porte. Alexandre regarda David, puis s’avança vers lui.

    -         Tu ne vas rien faire ? demanda-t-il.

          David ne répondit pas et Alexandre suivit le chemin de Samuel. Il le rattrapa dans l’escalier.

    -         Attends, reste, s’il te plait, dit Alexandre.

    -         Je n’ai rien à faire ici.

    -         Je n’en suis pas si sûr.

          Alexandre prit le bras de Samuel pour l’empêcher de partir. Ce dernier était sur la dernière marche et se tourna vers lui.

    -         Lâche-moi.

    -         Non ! Et d’ailleurs, tu devrais regarder un peu plus attentivement la personne qui se trouve dans le couloir.

          Samuel fronça les sourcils avant de regarder l’endroit que désignait Alexandre et là, il se figea. C’était comme si le temps s’était suspendu. Il n’entendit même pas David qui s’était finalement décidé à les rejoindre.

    -         Otou-san[1] !

          Raphaël se précipita près de son père. Samuel descendit la dernière marche et prit son fils dans ses bras. Et malgré lui, il ne put empêcher ses larmes de couler. Il l’avait cherché. Il avait pensé au pire quand il avait vu ce qui était arrivé à sa femme. Il n’aurait pas supporté de le perdre lui aussi. Sayuri lui manquait tellement.

    -         Otou-san, répéta le garçon. Maman est…

          Samuel regarda son fils et il vit dans ses yeux qu’il savait. Il le serra un peu plus contre lui.

    -         Oui, répondit-il sans pouvoir sortir un mot de plus.

    -         Elle m’a dit de le retrouver.

    -         Qui ça ?

    -         Tonton David. Elle m’a dit de faire comme tu m’as dit. S’il se passait quelque chose, il fallait que je pense très fort à lui. Tu m’as dit que je pourrais le retrouver et j’ai réussi.

          Raphaël souriait, fier de lui. Samuel était rassuré, lui donner ces conseils avaient porté leurs fruits, même s’il avait cru que son fils les oublierait. Il n’avait jamais vu David et pourtant il avait réussi à le retrouver.

    -         C’est bien, je suis fier de toi.

    -         Bon, c’est pas tout ça, fit une voix, mais on ne va pas rester planté dans le couloir.

     

     



    [1] Papa, en japonais


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique