• Chapitre 10

    Confession

     

    Hawks semble réfléchir. Je me doute que ça ne doit être une réflexion à prendre à la légère.

    -         Ne te précipite pas, dis-je. Prends le temps de la réflexion et reviens me donner ta réponse demain.

    -         Comment ça « reviens » ? demande Hawks. Je pensais dormir ici, moi.

    -         Hein ? Je ne t’ai jamais proposé ça, dis-je.

    -         Bah ! Je pensais que c’était implicite, dit-il. Je ne vais pas repartir en pleine nuit. Tu sais à combien de temps j’habite d’ici ?

    -         En volant, ça ne devrait pas te prendre bien longtemps.

    -         Mais si je m’en vais comme ça, les gens vont me repérer, c’est toi qui m’as dit d’être discret.

    -         Demain, en pleine journée, ce n’est pas mieux, je lui fais remarquer.

    -         Tu vas vraiment me jeter dehors ? demande-t-il avec un air de chien battu.

    -         Il n’y a qu’une chambre, je lui fais remarquer.

    -         Dans un appartement aussi grand, c’est un comble, dit-il.

    -         Quand on vit seul, une seule chambre suffit. Et je t’aurais bien proposé l’appartement du dessous, mais il n’y a aucun meuble.

    -         Même s’il y avait un lit, je ne veux pas aller dans l’appartement du dessous. Je me ferais petit, insiste-t-il.

    -         Avec des ailes de cette envergure, ça m’étonnerait.

    -         Je peux retirer mes plumes, dit-il. Je ne prendrais pas de place dans ton lit, promis.

    -         Parce que tu penses dormir avec moi ? C’est canapé pour toi, espèce de squatteur.

    -         Je ne te pensais pas aussi cruel, Subaru. Fréquenter l’Alliance te donne un côté sadique.

    Il se retourne. Je sais qu’il fait semblant de bouder pour m’amadouer et bien entendu, ça marche.

    -         Et moi, je ne te pensais pas si pénible. Un vrai gamin.

    -         T’as l’air plus jeune que moi, dit Hawks.

    -         J’en ai juste l’air, dis-je. A l’intérieur, je suis un vieux décrépi usé par les années.

    -         On dirait pas. Tu as quel âge ?

    -         L’âge de te botter les fesses, si j’en ai envie, dis-je avec un sourire en coin.

    -         Cruel, dit-il. Alors, je peux dormir avec toi ?

    Sa capacité à passer du coq à l’âne est impressionnante. Je soupire et finis par acquiescer. De toute façon, je sais très bien qu’il ne partira pas et en fait, je ne sais même pas si j’en ai vraiment envie.

    -         Cool, dit-il. T’as des films à regarder ?

    -         Ta nonchalance est désarmante, dis-je en le voyant s’installer sur le canapé et allumer la télévision.

    -         Pourquoi ? demande-t-il.

    -         Il y a encore peu, on parlait de choisir un héros à ramener à Dabi, tu dois d’ailleurs y réfléchir et tu fais comme si de rien n’était.

    Il se redresse légèrement du canapé et me fixe d’un air sérieux.

    -         Bien sûr que ça me travaille, mais je n’ai pas envie de gâcher le peu de moment de tranquillité que j’ai. Je veux juste passer une soirée tranquille avec toi. Je ne sais pas si on en aura d’autres à l’avenir alors, je veux profiter le plus possible de celle-ci tant qu’on peut.

    -         Je comprends, dis-je touché par ses paroles.

    -         Tu viens ? me demande-t-il en tapotant la place à côté de lui.

    Je le rejoins et nous passons toute la soirée à regarder des vieux films. Je ne pensais pas qu’Hawks étaient adepte des films classiques, mais j’ai compris qu’il était plein de surprise. J’apprends à al connaître petit à petit et celui que je vois à côté de moi, me plait beaucoup.

    Au moment d’aller nous coucher, je me sens un peu mal à l’aise. Il est sous la douche et moi, je viens juste d’en sortir. Je ne sais pas pourquoi ça me perturbe autant de dormir avec lui. S’il retire ses plumes, le lit sera assez grand pour que l’on ne soit pas collé l’un à l’autre. Je m’assois au bord du lit du côté droit. Je n’arrive pas à m’allonger tant qu’il n’est pas là. Je serais sans doute plus courageux, si c’est lui qui prend l’initiative de se coucher en premier. J’attends qu’il arrive, la tête basse, en regardant le sol.

    -         T’es pas couché, demande-t-il alors qu’il entre dans la chambre, une serviette dans la min. Je pensais que tu en profiterais pour prendre toute la place et m’obliger à dormir sur le canapé.

    -         Je n’y ai même pas pensé.

    Il s’approche de moi et je remarque qu’il ne reste que quelques plumes dans son dos. Il s’agenouille devant moi et son regard doré me fait rougir.

    -         Qu’est-ce que tu fais ? demandais-je.

    Il pose sa tête sur mes genoux et malgré moi, je pense une main dans ses cheveux pour les caresser.

    -         Tes cheveux sont encore mouillés, je lui fais remarquer. Tu vas attraper froid si tu dors comme ça.

    -         Aide-moi à les sécher alors, dit-il en me tendant la serviette qu’il a dans la main.

    -         Ça ne suffira pas. Il faudrait un sèche-cheveux.

    -         J’en ai pas trouvé.

    -         Je crois qu’il n’y en a pas.

    -         Tant pis, je prendrais froid alors.

    -         Les idiots, ça prend pas froid, dis-je en commençant à lui frictionner les cheveux.

    -         Je ne suis pas un idiot, dit-il avec une moue boudeuse.

    -         Non, mais tu es un vrai bébé, un vrai gamin.

    -         J’ai que vingt-deux ans, dit-il, normal que je me comporte encore un peu comme gamin.

    -         Ben voyons, dis-je avec amusement.

    -         Toi aussi quand tu avais vingt-deux ans, tu devais avoir un côté gamin.

    Je m’arrête quelques instants de lui sécher les cheveux et j’essaie de me rappeler vaguement ce que je faisais quand j’avais vingt-deux ans.

    -         Quand j’avais ton âge, j’avais déjà fait le tour du monde et je n’avais pas vraiment le temps de m’amuser. Mais bon, l’époque n’était pas la même.

    -         C’était quelle époque ? m’interroge-t-il.

    -         Une époque ou faire le monde était un exploit et où c’était beaucoup plus difficile de se déplacer qu’aujourd’hui. On ne faisait pas le tour du monde en quelques heures, c’est des jours, voir des semaines.

    La serviette sur les cheveux, il relève la tête et ses yeux dorés me fixent avec surprise et interrogation. Je détourne le regard, gêné.

    -         Tu viens de loin, dit-il. Je n’imagine même pas tout ce que tu as pu vivre.

    -         Il ne vaut mieux pas que tu l’imagines, dis-je en le regardant à nouveau.

    Pour éviter son regard, je reprends ma serviette et le frictionne à nouveau.

    -         Je te perturbe tant que ça, pour que tu évites mon regard ? me demande-t-il fort à propos.

    -         C’est parce que tes yeux me perturbent.

    -         Comment ça ? dit-il. C’est la couleur ou la forme ? Tu n’aimes pas ? Poudrant, on a les yeux dorés tous les deux et ça me plait à moi, pas toi ?

    -         Si, tu as des yeux magnifiques. Quant à leur couleur, elle ne me gêne pas.

    -         Alors quoi ?

    -         C’est juste qu’à mon époque avoir les yeux dorés était très rare et dans ma famille, c’est plutôt synonyme de malheur.

    -         Oh ! dit-il alors que j’ai lâché la serviette e qu’elle tombe doucement sur le sol. Alors, tu pense que mes yeux sont signes de malheur ?

    -         Bien sûr que non, dis-je. C’est bien loin tout ça, pour moi. Tu as vraiment de très beaux yeux.

    -         C’est vrai ?

    -         Oui, acquiesçais-je.

    Son sourire est désarmant et je rougis malgré moi. Il se lèvre légèrement, se mettant à genoux pour que nos visages soient à la même hauteur. Il avance vers moi et alors que ses lèvres sont sur le point de se poser sur les miennes, je détourne la tête.

    -         On ferait mieux de dormir, dis-je. La journée va être compliquée demain et il faut que l’on soit en forme.

    -         D’accord, dit-il sans insister.

    Il se lève et ramasse la serviette et la ramène dans la salle de bains. Je sais qu’il est contrarié et je le suis aussi, je dois bien l’avouer. Je finis par me coucher alors qu’il revient et se couche à son tour de l’autre côté du lui, dos à moi. Durant un moment, c’est le calme plat et je crois qu’il s’est endormi, mais quand je le sens bouger derrière moi, je ne comprends qu’il n’en est rien. J’entends sa respiration et je sais aussi qu’il se rapproche de moi. Il pose une main sur mon bras. Si seulement on n’était pas dans cette situation, je pense que je n’hésiterais pas une seule seconde, mais voilà… on sait tous les deux ce qui nous attend demain.

    -         Subaru, m’appelle-t-il doucement. Je sais que tu ne dors pas.

    -         Non, c’est vrai, dis-je.

    Je sens son menton se poser sur mon bras. Il essaie de me regarder, amis pensant quelques secondes, je décide de ne pas bouger.

    -         Subaru, m’appelle-t-il encore. Est-ce que tu es fâché ?

    -         Bien sûr que non, dis-je en me tournant légèrement pour le regarder.

    -         C’est vrai ? Parce que j’ai eu peur que mon geste t’ait mis en colère.

    -         Je vais pas me mettre en colère pour ça. Par contre, je pourrais comprendre que mon geste t’ait vexé. Je ne voulais pas forcément te repousser, c’est juste…

    -         Tu ne voulais pas me repousser ? demande Hawks avec les yeux brillants. Vraiment ?

    -         Oui.

    -         Alors, ça veut dire… que… Mais pourquoi m’avoir repoussé dans ce cas ?

    -         C’est la situation qui n’est pas propice, répondis-je. Et puis, je ne suis toujours pas convaincu que tu doives infiltrer l’Alliance.

    -         On en a déjà discuté.

    -         Je sais, mais ça ne m’empêcher pas de m’inquiéter. Et tu sais, que commencer une histoire dans ce contexte serait dangereux autant pour toi que pour moi.

    -         Alors, on ne pourra rien vivre sou prétexte que notre mission est dangereuse ?

    -         Oui, je le pense.

    -         Moi non, dit-il. Je sais que ça pourrait être compliqué mais si c’est fort ce qu’il y a entre nous, comme je le pense, alors, on peut y arriver.

    -         C’est une belle utopie, dis-je et j’ai presque envie d’y croire.

    -         Crois-y alors, dit-il avec un regard qui pourrait faire plier n’importe qui.

    -         Tu peux encore tout arrêter Hawks, dis-je.

    -         Arrêter quoi ? L’infiltration ? dit-il en se reculant légèrement.

    Je me retourne un peu plus pour lui faire complètement face.

    -         Oui, tu peux encore, dis-je. Personne ne t’en voudra de protéger ton statut de héros. Et pour ce qui est de Dabi, il pensera seulement que tu n’as pas eu le cran d’aller jusqu’au bout.

    -         Je ne peux pas, dit-il en s’allongeant de nouveau à côté de moi, sur le dos.

    -         Pourquoi ? dis-je en me tournant cette fois de son côté.

    -         Parce que si je fais tout ça, c’est pour protéger la population. C’est mon devoir et si infiltrer l’Alliance me permet de sauver des vies, alors je suis prêt à le faire.

    -         Mais combien en verras-tu mourir sans pouvoir agir ? Est-ce que tu pourras le supporter ?

    -         J’en ai conscience, dit-il en me fixant droit dans les yeux. Je sais qu’il y aura des sacrifices, amis je vois sur le long terme et je fais ça dans l’intérêt du plus grand nombre. Peu importe ce qui m’arrive, peu importe si je suis trainé dans la boue ensuite, si ça a permis d’arrêter l’Alliance, ça me va.

    Il est tellement sûr de lui et déterminé, que je ne trouve rien à redire. Il est déterminé et bien décidé à mener sa mission à bien. Je comprends alors que mon rôle sera de le soutenir quoiqu’il arrive. Je ferais tout pour le protéger.

    -         Tu me fais la morale, continue-t-il, mais tu es dans le même cas que moi. Toi aussi tu risques ta vie dans cette mission.

    -         Pas vraiment, puisque je ne peux pas mourir, répondis-je.

    -         Et alors ? Ça ne veut pas dire que tu n’es pas en danger pour autant et ton immortalité ne fait pas de toi un pion qu’on peut utiliser à sa guise.

    -         C’est pourtant ce que je suis. Seulement un pion facilement sacrifiable qu’on laissera tomber si les choses tournent mal. Je ne suis personne Hawks. Je n’ai plus vraiment d’existence légale depuis longtemps. Et crois-moi que la Commission se désolidarisera de moi à la première occasion.

    -         Malheureusement, je sais que c’est possible, dit Hawks. Mais quoiqu’il en soit, tu reste un héros malgré toi. Un héros de l’ombre, mais un héros tout de même. Combien de vies as-tu sauvé depuis que tu fais ça ?

    -         Et combien j’en ai laissé mourir aussi ?

    -         On en revient toujours à la même chose. Toi aussi, tu veux sauver la population.

    Je me redresse et m’assois sur le lit, regardant mes mains. Je souris amèrement. Sa vision de moi est bien trop belle et je ne pense pas que je le mérite. A une époque, sauver la population a été une de mes motivations mais aujourd’hui, elles sont bien moins pieuses.

    -         Je ne suis pas un héros, Hawks. Les gens, je m’en contre-fiche. La Commission aussi. Si je fais tout ça, c’est par égoïsme. Tu sais, j’ai fait toute ma vie et mis plus d’une fois en danger ma famille, alors pour les protéger, je me suis mis au service de la Commission de sécurité. Ils ont promis de ne pas toucher à ma faille, de les laisser tranquille, en échange, je leur ai promis de les aider. Ça fait des années que ça dure et notre accord date bien avant de la prise de fonction des personnes qui la gère en ce moment. Seule ma famille compte Hawks, les autres, je m’en fiche.

    -         Je ne pense pas que ce soit le cas, dis-je. Si c’était vraiment le cas, tu ne t’inquiéterais pas pour moi, puisque je ne fais pas partie de ta famille. Tu m’as défendu alors qu’on s’était croisé à peine quelques heures et que l’on ne s’était pas revu depuis des années. Et encore maintenant, tu veux me faire changer d’avis, parce que tu ne veux pas que les aient une mauvaise opinion de moi. Tu te préoccupes des autres plus que tu ne le dis et quand bien même tu ne souhaites protéger que ta faille, eh bien, elle aussi fait partie de la population et même protéger quelques vies, c’est déjà être un héros.

    Je le regarde surpris. Il s’est redressé en me sortant cette tirade et je n’ai pas pu détourner mes yeux de lui. Il me sourit avant de poser une main sur ma joue. Il se penche vers moi et ses lèvres touchent les miennes. C’est léger, et il se recule doucement comme pour ne pas m’effrayer. Il me fixe à nouveau, attendant mon approbation et un geste de la tête suffit à ce qu’il recommence à nouveau. Cette fois, le baiser est plus pressant et je le laisse prendre tout le contrôle sur moi. J’oublie complètement ce que j’ai dit quelques minutes plus tôt. Tant pis pour la situation, même si c’est la seule fois, alors, je ne veux rien regretter. Hawks me repousse doucement sur le lit et se met au-dessus de moi ; Ses yeux dorés me fixent encore et je sais qu’il attend mon consentement.

    -         Subaru ? souffle-t-il.

    -         Tout va bien, dis-je alors que je l’attire vers moi. Juste pour cette fois.

    Cette fois, c’est moi qui l’embrasse et pour cette nuit, nous oublions qui nous sommes et notre mission à venir.

    Le lendemain matin, je me réveille tôt et fais le moins de bruit possible. J’ai envie qu’il profite le plus possible de ces moments de répits car quand il se réveillera, il devra prendre sa décision.

    Deux heures plus tard, j’entends du bruit dans la chambre et Hawks en sort ses plumes à nouveau en place dans son dos. Il me regarde dans l’encadrement de la porte et tous les deux, nous savons que ce qui s’est passé cette nuit, ne se reproduira pas de sitôt. Il s’avance vers moi et m’embrasse. Je lui réponds, voulant profiter quelques instants de cette promiscuité, puis quand il se recule, son regard se voile de contrariété.

    -         Tu as pris ta décision ? demandais-je.

    -         Oui… allons voir Best Jeanist, dit-il.


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