• Chapitre 2

     

    RAPHAEL

     

    J’entends un bruit strident qui me vrille les tympans. Je grogne, pestant contre la personne qui ose m’appeler un samedi matin, alors que je peux faire pour une fois la grasse matinée. Je prends mon portable, tapote vaguement sans regarder pour l’arrêter et essayer de reprendre mon rêve là où il était arrêté, mais, je crois qu’il est trop tard. Je suis réveillé et je n’arrive pas à me rendormir. Je soupire et me redresse doucement, reprenant mon téléphone que je venais de poser sur la table de nuit afin de regarder qui m’a appelé. Je fronce les sourcils en voyant un nom que j’avais presque oublié depuis deux semaines. Stéphanie. Je sortais encore avec elle il y a quinze jours avant d’en avoir marre de ses caprices et de la quitter. Le problème, c’est qu’elle, elle ne le voulait pas et me harcèle depuis.

     

    Mon téléphone sonne dans ma main et c’est encore elle qui appelle. Je me lève, attendant avant de répondre. Si, je ne le fais pas, elle risque de me harceler toute la journée et je suis même persuadé qu’elle viendrait à la maison, et je n’en ai pas très envie.

     

    -Oui ? Dis-je en décrochant.

     

    -Raphaël, tu me réponds enfin.

     

    -Tu me réveilles, dis-je le plus froidement possible.

     

    -Un samedi matin ?

     

    -Oui, un samedi matin. Qu’est-ce que tu veux ?

     

    -Ecoute, c’était un malentendu, hein ? On n’est pas vraiment séparés.

     

    -Bien sûr qu’on est séparés. Qu’est-ce que tu n’as pas compris quand je t’ai dit, « je te quitte » ?

     

    -Mais, Raphaël. Y’a une autre fille, c’est ça ? C’est qui ? Tu me trompes ?

     

    -Y’a pas d’autres filles et je t’ai jamais trompé. C’est ça ton problème, Steph, ta jalousie maladive. Tu voulais tout contrôler dans notre couple, c’était plus possible. C’est pour ça que j’ai voulu arrêter. Alors, laisse tomber et trouve-toi quelqu’un d’autre à martyriser. Adieu.

     

    Je ne lui laisse même pas le temps de répondre et je raccroche. J’imagine qu’elle doit me traiter de connard en ce moment même, mais peu importe, je pense qu’elle ne reviendra plus cette fois. Bon débarras. Je fais les cent pas dans la chambre, ne sachant plus vraiment ce que je dois faire. Retourner dormir ? Sortir ? Il est inutile que j’essaie de retrouver le sommeil, elle m’a trop énervé, alors je sors de ma chambre. Je regarde celle d’Arthur qui est entrouverte. Je m’approche lentement et l’ouvre discrètement de peur de le réveiller, mais constate avec surprise, qu’il n’est pas là, son lit est déjà fait. La salle de bains est ouverte alors, il n’est pas à l’intérieur non plus. Et en faisant le tour de l’appart’, je constate également qu’il n’est pas ici. Je me demande bien où il est parti.

     

    Je m’assois sur le canapé, toujours le téléphone à la main, quand ce dernier sonne bruyamment. Encore Stéphanie, qui n’a pas compris ? Elle ne serait pas aussi idiote quand même. Je regarde l’écran et vois apparaitre le nom de David. Qu’est-ce qu’il me veut si tôt ?

     

    -David, comment vas-tu ?

     

    -Ca va, Raphaël et toi ?

     

    -Bien, bien. Pourquoi tu m’appelles de si bonne heure ? Il s’est passé quelque chose ?

     

    -Non, non, dit-il. Et de si bonne heure, il est quand même déjà dix heures, Raphaël. A moins, que tu ne sois en plein décalage horaire.

     

    -Ca doit être ça. Mais, je te rassure, ce n’est pas toi qui m’a réveillé.

     

    -Ah oui ?

     

    -Oui, Steph a refait une tentative de remise en couple, je l’ai envoyé balader.

     

    -J’imagine qu’elle n’était pas contente.

     

    -C’est le moins que l’on puisse dire. Alors, qu’est-ce qui se passe ?

     

    -Rien de spécial, on voulait prendre de tes nouvelles, ton père et moi.

     

    -Et c’est toi qui m’appelle ? David, y’a quelque chose ?

     

    -Non, rien de spécial, je te dis. Mais, on se demandait si tu rentrais le week-end prochain.

     

    -Tu aurais pu me le demander la semaine prochaine, pourquoi m’appeler aujourd’hui ?

     

    -Il faut vraiment une raison ? S’impatiente David.

     

    -Non. Mais bon, s’il n’y a rien, tant mieux. Donc, pour te répondre, oui, je pense venir, mais il faut quand même que je voie avec Arthur. Il est tout seul ici.

     

    -Ca se passe bien avec lui ? Dit la voix de David un peu éteinte.

     

    -Oui, il est facile à vivre. Pourquoi j’ai l’impression que ça vous gêne que je vive avec lui ?

     

    -Non, ça nous gêne pas.

     

    -Pourtant, c’est l’impression que ça donne. C’est parce que papa connait son père ?

     

    Un gros blanc, et je sais que c’est le cas.

     

    -David, qu’est-ce qui se passe ? J’ai droit à une explication ? En fait, c’est pour ça que tu m’appelais, papa s’inquiète que je vive avec Arthur. Pourquoi il ne m’a pas appelé lui-même ?

     

    -Tu connais ton père, dit David gêné. Il ne voulait pas t’embarrasser. Mais, si tout se passe bien, alors ça va.

     

    -Il va vraiment falloir qu’on en parle. J’imagine que papa écoute tout derrière toi.

     

    -Tout, dit David.

     

    J’entends vaguement mon père en fond. Je suis sûr qu’il n’avait pas envie que David soit si franc.

     

    -A part ça, ça tombe bien que vous appeliez, dis-je avec plus d’enthousiasme. Tu sais, Monsieur Lance, mon prof d’archéo ?

     

    -Oui, dit David.

     

    -Il m’a proposé de faire un atelier fouille durant les vacances de pâques.

     

    -C’est génial, dit David avec enthousiasme. Tu as accepté, j’espère.

     

    -Pas encore, je voulais vous en parler, vu que je devais passer les vacances à la maison.

     

    -Une occasion pareille, ça ne se rate pas. Ton père est d’accord avec moi. On en reparlera la semaine prochaine, alors. Mais, franchement, tu devrais accepter.

     

    -Je me doutais que tu allais dire ça. David, j’entends la porte, Arthur doit rentrer, on se rappelle un peu plus tard.

     

    -Heu… oui, dit-il un peu pris au dépourvu.

     

    -A plus tard, tu embrasseras papa, de ma part. A la semaine prochaine.

     

    -A la semaine prochaine, Raphaël.

     

    Je raccroche alors que la porte s’ouvre, sur un Arthur, les bras chargés de sac. Il est allé faire les courses. Sans moi. Je me lève, pose mon téléphone sur la table basse et vais l’aider à prendre les sacs. C’est là que je m’aperçois que je suis toujours en caleçon, car Arthur n’ose pas me regarder. Je souris devant sa gêne. Un rien le perturbe. Je fais comme si de rien n’était et mets les sacs que je lui ai pris sur la table de la cuisine.

     

    -Excuse-moi, je viens de me lever, dis-je en désignant ma tenue.

     

    -C’est rien, dit-il en commençant à ranger les courses. Tu as bien dormi.

     

    -Oui, bien. Et toi ? Tu t’es levé tôt. Tu aurais dû me réveiller, on y serait allé ensemble, tu n’es pas obligé de tout faire ici, tu sais ? Je me fais l’effet d’un profiteur. Un peu comme la marâtre dans Cendrillon.

     

    -Ca me gêne pas, dit Arthur, sans lever les yeux sur moi.

     

    -Je vais aller m’habiller, dis-je. Ca a l’air de te gêner.

     

    Il se redresse et rougit de plus belle. Je vais dans la chambre rapidement, enfile un jogging et un T-shirt et revient l’aider à ranger.

     

    -J’ai été réveillé par le téléphone, dis-je. C’est Stéphanie qui m’a appelé.

     

    -Ton ex ? Demande-t-il alors qu’il range une bouteille de lait dans le frigo.

     

    J’ai l’impression qu’il s’est crispé quelques secondes. C’était vraiment une impression parce qu’il reprend son air habituel.

     

    -Oui, elle voulait qu’on se remette ensemble.

     

    -Ah ! Dit-il se crispant une deuxième fois.

     

    -Je l’ai envoyé paître.

     

    Il ne dit rien, mais j’ai l’impression qu’il se détend. Je ne peux m’empêcher de sourire, j’ai l’impression qu’il n’aimait pas vraiment Stéphanie. Il faut dire qu’elle n’était pas tendre avec lui. Elle lui a reproché ouvertement de profiter de moi, alors que ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, c’est plutôt moi qui profite de lui, même si je ne le fais pas exprès. Stéphanie voulait emménager avec moi, alors elle a été vexée quand j’aie choisi Arthur. Je savais que ce serait un enfer, si j’emménageais avec elle. C’est à ce moment-là que je l’ai quittée.

     

    -Je pense qu’elle ne reviendra pas de si tôt, dis-je. Sinon, l’ami de mon père a appelé, ils veulent que je rentre le week-end prochain.

     

    -Ah oui ? Dit-il alors qu’il prend les tomates entre ses mains.

     

    -Tu comptes faire quoi ?

     

    -Moi ? Dit-il en me regardant enfin. Je vais rester ici. Je ne peux pas rentrer voir mon père, Nassau, ce n’est pas la porte à côté.

     

    -Oui, c’est vrai.

     

    Parfois, j’oublie qu’il est loin de sa famille, même si son accent devrait me le rappeler. D’un coup, je me sens gêné de l’abandonner. Il est vrai que je ne suis pas rentré à la maison depuis qu’il est là.

     

    -Tu veux venir avec moi ? Demandais-je.

     

    -Je ne veux pas te déranger, dit-il gêné. C’est ta famille.

     

    -Soit pas si gêné, dis-je. Ca te permettrait de revoir Auxois, la ville a bien changée depuis que tu es venu.

     

    -Je ne m’en souviens pas très bien, tu sais. Je devais avoir cinq ans, quand on est venu.

     

    -C’est vrai. Mais bon, c’est l’occasion de la découvrir.

     

    -Et ta famille, elle ne dira rien ?

     

    -Ne t’en fais pas pour ça. Je les appellerai un peu plus tard. Alors, c’est décidé, je t’emmène avec moi, la semaine prochaine. Au fait, tu as pris ton petit-déjeuner ?

     

    -Pas encore, dit-il.

     

    -Alors, on range tout ça et c’est parti, dis-je en souriant.

     

    Il me sourit à son tour mais j’ai l’impression qu’il est angoissé à l’idée de venir chez moi. Saurait-il quelque chose que j’ignore ? Quand j’y pense, je ne sais même pas si mon père va être d’accord, bah, je ne lui laisserai pas le choix. S’il ne veut pas, je ne rentrerai pas à la maison, il sera bien obligé de céder.

     

    *******

     

    -J’ai trop mangé, je me plains en m’affalant sur le canapé.

     

    -Tu t’es enfilé ta pizza, plus une bonne partie de la mienne, fait remarquer Arthur, pas étonnant que tu sois ballonné.

     

    Je relève les jambes pour le laisser s’asseoir, mais les remets sur ses genoux une fois, qu’il est assis. Il ne dit rien et je me dis qu’il prend vraiment sur lui. A sa place, d’autres m’auraient déjà repoussé. Je me retourne légèrement, pour le regarder, laissant exprès mes jambes sur lui. Il a allumé la télévision, et n’a pas l’air du tout gêné de la situation. Je me recroqueville, sentant une douleur aigüe au niveau du ventre. Je suis trop nul d’avoir mangé comme un porc.

     

    -T’es vraiment trop gentil, dis-je à Arthur.

     

    -Pourquoi ?

     

    -Tu ne te mets jamais en colère ? Tu as le droit de dire non, tu sais.

     

    -Pourquoi je me mettrais en colère ? Demande Arthur sans quitter la télévision des yeux.

     

    -Eh bien, à propos de mon attitude d’hier, de ce que j’ai fait. Tu as le droit d’être mécontent, de m’en vouloir. Y’en a plus d’un qui m’aurait foutu leur poing dans la gueule, si j’avais fait ça.

     

    Il ne dit rien et je ne sais pas trop quoi penser. Une nouvelle douleur et je me dis que je l’ai bien mérité, à tous les poings de vue.

     

    -Je suis désolé, Arthur. Je ne voyais pas le mal, tu sais.

     

    -Je sais, dit-il. Je n’ai rien dit.

     

    -Merde, je suis mal ce soir.

     

    -On mange plutôt mal en ce moment. Et manger fast-food à chaque fois que tu vas travailler, ce n’est pas pour améliorer ton état.

     

    Il me fait la leçon, je le mérite, il a raison. En tout cas, je suis surpris qu’il n’ait pas relevé plus que ça, ce que j’ai fait hier. Je devrais m’estimer heureux, je crois. Il ne vaut mieux pas que j’insiste, Arthur est quelqu’un de conciliant, en tout cas. Nous restons un moment silencieux et je porte mon regard sur la télévision. Il passe un vieux film dont je ne connais pas le nom et ça m’est égal pour l’instant, j’ai du mal à me concentrer sur quoi que ce soit d’autre que mon estomac. Je jette un nouveau coup d’œil à Arthur, qui est assis, droit dans le canapé, toujours mes jambes sur ses genoux sans que ça ait l’air de le gêner.

     

    -Mon père est un bon cuisinier, dis-je pour faire la conversation. C’est toujours lui qui fait la cuisine. Un jour, on a laissé David aux fourneaux et on a failli appeler les pompiers, parce qu’il a laissé la poêle bruler.

     

    -Nous, on a des domestiques pour ça, dit Arthur.

     

    -Ah ouais ? C’est cool, j’aurais bien aimé être à ta place.

     

    -C’est moi qui aimerais être à ta place, dit-il en me regardant enfin. Tu as de la chance, je me rappelle à peine d’avoir vu mon père cuisiner ou alors, ça remonte à loin. Je crois me souvenir d’une tarte qu’il faisait, mais c’est sans doute mon imagination.

     

    -Tu sais, ça n’a pas toujours été rose dans ma famille non plus, je lui fais remarquer. Je me souviens d’une époque où David est parti et…

     

    Je m’arrête là, en me souvenant de cette époque. Arthur a l’air de comprendre, lui aussi, à quel moment cela s’est produit et nous restons un moment silencieux, gênés.

     

    -C’était… dit-il.

     

    -Oui, j’avais sept ans. C’était quand on s’est rencontrés. A l’époque, j’ai eu du mal à comprendre que David s’en aille, puis, il est revenu et je ne t’ai jamais revu.

     

    -Je ne m’en souviens pas très bien, fait remarquer Arthur. Je me souviens juste de Disney Land et qu’on jouait aux Pokémons et d’un autre garçon à l’hôtel. Je ne me souviens plus vraiment de son nom.

     

    -Tu as soupçonné la chose ? Demandais-je.

     

    -Ca m’est revenu récemment et toi ?

     

    -Depuis longtemps, j’ai vu ton père embrasser le mien dans la cuisine. C’était un hasard et ils ne m’ont pas vu.

     

    -Ah !

     

    -Hum… Mais, c’est le passé. Ce qui compte, c’est aujourd’hui, non ?

     

    -Oui, dit-il sans me regarder.

     

    Je ne dis plus rien. Arthur a deux ans de moins que moi, il est normal qu’il ne se souvienne pas de tout ça. Pour lui, il est juste venu en France et est reparti quelques temps après, comme si c’était des vacances. Nos retrouvailles étaient plutôt inattendues, mais je suis content qu’elles aient eu lieu. Je me cale un peu plus dans le canapé et ferme les yeux, toujours aussi mal.

     

    -Ca ne te dérange pas si je change de chaîne ? Demande Arthur en me faisant sursauter.

     

    -Heu… oui, dis-je. De toute façon, je crois que je vais dormir un peu, tu peux mettre ce que tu veux. Ca ne te gêne pas si je reste allongé, comme ça ?

     

    -Non, c’est bon.

     

    -Merci.

     

    Il zappe et je suis surpris de le voir mettre une série télé. C’est marrant, je ne pensais pas que c’était son genre, mais après tout, je ne le connais pas si bien que ça. Ca ne fait qu’un mois qu’on vit ensemble et il est assez discret.

     

    -C’est quoi ? Demandais-je en me tournant vers lui.

     

    -Torchwood, dit-il en rougissant.

     

    -Torchwood ? Dis-je étonné. Connais pas.

     

    Il ne dit rien, mais semble gêné de regarder cette série. Finalement, je ne vais pas dormir tout de suite. Nous regardons l’épisode en silence et au fur et à mesure de l’épisode, je comprends ce qui se passe. Je jette un œil à Arthur, qui est crispé et je comprends qu’il est gêné de regarder ça avec moi, mais qu’il ne voulait pas louper l’épisode. Je ne peux m’empêcher de sourire et alors que la tension se fait plus intense à la fin de l'épisode, je ne le lâche pas des yeux. Ce n’est qu’au moment du générique qu’il tourne enfin la tête vers moi.

     

    -Tu es fan, dis-je.

     

    -Hein ? Non, j’aime bien, c’est tout, dit-il en détournant le regard rouge de honte.

     

    -Tu n’as pas à être gêné. Tu aimes ce que tu veux. Je trouve ça mignon, dis-je en souriant.

     

    -Tu te moques de moi, dit-il vexé.

     

    -Non, dis-je sérieusement. Je trouve ça bien. Je découvre une nouvelle facette de toi.

     

    Il ne dit rien et regarde à nouveau la télévision. Un nouvel épisode commence, mais je ne résiste pas à un deuxième round et m’endors au bout de deux minutes.

     

    *******

     

    Une secousse et un bruit strident me réveillent et j’ouvre difficilement les yeux. Je suis toujours allongé sur le canapé, coinçant toujours Arthur que ça n’a pas l’air de déranger. L’épisode qui avait commencé avant que je ne m’endorme n’a pas l’air d’être terminé. Ca fait combien de temps ? Je ne sais plus trop. Une main se pose sur ma jambe et je sursaute, me tournant vers Arthur.

     

    -Ton téléphone n’arrête pas de sonner depuis tout à l’heure, dit-il.

     

    -Désolé, je me suis endormi. Je n’ai pas trop ronflé, j’espère ?

     

    -Non, pas du tout.

     

    Je me redresse, ramène mes jambes et libère enfin Arthur qui ne bouge pas d’un pouce. Il reste les yeux fixés sur l’écran, ne loupant pas une miette de l’épisode. Je préfère me lever et le laisser tranquille. Je prends mon téléphone, essaie de passer le plus discrètement possible devant la télévision sans le gêner et vais m’enfermer dans la chambre. Je rappelle Anaïs qui m’a laissée au moins dix messages.

     

    -Enfin, dit-elle en décrochant.

     

    -Quoi ? On vient de se quitter, dis-je en grognant. Ca t’a pas suffit la pizza ?

     

    -Si, mais… pourquoi vous êtes pas restés ?

     

    -Je suis crevé, j’ai trop mangé et Arthur voulait rentrer. Il…

     

    Je ne dis rien, je ne vais pas lui dire qu’il voulait rentrer pour regarder sa série préférée, elle risquerait de le charrier la prochaine fois et je n’ai pas envie de le gêner, même si je trouve ça particulièrement adorable.

     

    -Il quoi ? Demande Anaïs.

     

    -Rien, laisse tomber. On verra ça plus tard.

     

    -Au fait, tu lui as dit pour ton stage ?

     

    -Non, pas encore, dis-je.

     

    -C’est bien ce qu’on pensait, c’est pour ça qu’on n’a pas voulu en parler au cas où.

     

    -De toute façon, je suis sûr qu’il va rentrer chez lui.

     

    -Et si c’est pas le cas ?

     

    -Anaïs, où tu veux en venir ? Soupirais-je. Je ne peux pas faire tout en fonction de lui. Et puis, je l’emmène avec moi le week-end prochain.

     

    -Chez toi ? S’étonne Anaïs.

     

    -Oui, pour qu’il revoie Auxois.

     

    -Ah ! Dit Anaïs.

     

    -Quoi ? Dis-je exaspéré.

     

    -Pour quelqu’un qui ne fait rien en fonction de lui, tu t’en préoccupes beaucoup  quand même.

     

    -Il ne connait personne, c’est normal.

     

    -Tout en contradiction, dit Anaïs.

     

    -Laisse-tomber, je ne sais pas où tu veux en venir, mais laisse tomber, ok ?

     

    -Ok ! C’est bon, je disais ça comme ça.

     

    -Bon, je te laisse, Anaïs. A plus.

     

    -A plus, Raphaël.

     

    Je raccroche et laisse mon téléphone dans la chambre pour ne plus être dérangé. Je reviens m’asseoir à côté d’Arthur et remarque qu’il a changé de chaîne.

     

    -Torchwood est terminé ? Demandais-je.

     

    -Oui. C’était Anaïs ?

     

    -Oui, dis-je.

     

    -Vous vous entendez bien, fait-il remarquer.

     

    -On se connait depuis longtemps. Et toi, tu as des amis à Nassau ?

     

    Il ne dit rien et j’ai l’impression que je le gêne avec ma question.

     

    -J’ai des amis comme ça, que je n’ai pas vus depuis longtemps, dit-il. J’ai Benjamin, que je considère comme mon frère, même si en réalité c’est mon oncle. J’ai une famille compliquée.

     

    -Ne t’en fais pas, la mienne aussi est compliquée.

     

    -Je t’envie d’avoir des amis aussi proches, dit-il.

     

    Son attitude est très étrange, comme si ce n’était pas sincère, ou plutôt, je ne sais pas. C’est comme tout à l’heure, il a le même regard que tout à l’heure quand j’ai parlé de Stéphanie. Serait-il… jaloux ? Non, je dois me faire des idées.

     

    -Tu ne te détends jamais, Arthur ? Demandais-je.

     

    -Pourquoi ? Demande-t-il.

     

    -Je ne sais pas, on dirait que tu n’es pas à l’aise avec moi. Il faut me le dire quand je gêne, hein ? Je ne m’en rends pas bien compte, en fait.

     

    -Tu ne me gênes pas, dit-il. Ne t’en fais pas.

     

    -Bon, alors tant mieux.

     

    Pourtant, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose. Il ne bouge plus de la soirée et je n’ose pas le déranger. Nous allons nous coucher en silence et je ne retente pas la même chose que la veille. Quelque chose me dit que cette fois, il ne laissera pas passer ça.


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