•  

    Chapitre 3

     

    Keigo Takami

     

     

     

    -         Tu m’as repéré depuis quand ? demande Hawks.

     

    -         Depuis le début, répondis-je.

     

    -         Et tu n’as rien dit ?

     

    -         Pourquoi aurais-je dit quelque chose ? demandais-je. Ça m’est bien égal que quelqu’un nous ait entendu. On est dans les locaux de la Commission de Sécurité Publique Héroïque. C’est à eux de faire attention aux fuites d’informations, pas à moi. Ils n’ont qu’à être plus attentif. De toute façon, ce n’est pas grave, puisque l’information te concernait.

     

    -         C’est vrai, pourtant, je n’ai pas été convié, dit-il. Ils voulaient sans doute que tu m’aides quand je n’en sache rien.

     

    -         Eh bien, c’est raté, on dirait, dis-je en souriant.

     

    Il me fixe avec sérieux et cela me fait perdre mon sourire. Quelque chose a l’air de le perturber. Est-ce que par hasard… ?

     

    -         On se connait, n’est-ce pas ? demande-t-il.

     

    C’est comme s’il avait lu dans mes pensées. J’essaie de ne pas paraitre trop surpris, mais je crois que cette fois, je n’ai pas réussi à garder un ton neutre.

     

    -         Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

     

    -         Ton visage ne m’est pas inconnu, dit-il. Tu ressembles à quelqu’un que j’ai connu autrefois. Seulement…

     

    Il semble hésiter et détourne le regard perturbé. Bu qu’il a écouté toute notre conversation, il a sûrement déjà la réponse à sa question.

     

    -         Normalement, il devrait être plus âgé, dit-il, mais… est-ce vraiment possible ? J’ai cru avoir mal entendu, mais quand je te vois, je me dis que c’est plus que probable. Aujourd’hui, dans un monde où avoir des super pouvoirs est normal, je me dis que tout est possible, même ça.

     

    -         Et qu’est-ce que tu as compris exactement ? demandais-je.

     

    -         Je pense… que tu es le Subaru que j’ai connu, il y a plusieurs années, celui… qui est venu me chercher et qui m’a ramené à la Commission. Que… tu vis depuis très longtemps et que tu as gardé ton apparence de l’époque.

     

    Je souris, car son esprit de déduction est parfait. La nostalgie me prend soudainement et les souvenirs de noter première rencontre me reviennent en mémoire.

     

     

     

    ***

     

     

     

    -         Retrouvez-moi ce garçon, ce qu’il a fait est incroyable. Sauver autant de personnes lors d’un accident, ça tient toute bonnement de l’exploit. Vous avez assisté à la scène Subaru, c’est ça ?

     

    -         Oui, répondis-je.

     

    -         Donc, vous savez dans quelle direction il est parti ?

     

    -         Oui.

     

    -         Vous pourriez le retrouver ?

     

    -         Sans doute, acquiesçais-je. Je pense qu’il habite non loin de l’endroit où a eu lieu l’accident. Il avait un sac à la main, donc il était sûrement parti faire des courses. Je peux interroger les gens aux alentours, un garçon avec des ailes rouges, ça ne doit pas passer inaperçu.

     

    -         Bien, alors, nous vous confions cette mission Subaru. Une fois que vous aurez retrouvé ce garçon, appelez-nous. Nous ferons en sorte de convaincre ses parents de nous le confier. Son avenir de héros est tout tracé.

     

    -         Bien, dis-je. Je me mets en route de suite.

     

    Je suis en route pour Kyushu. Habituellement, il fait plutôt chaud, mais aujourd’hui le vent est glacial. J’ai retrouvé la route que j’ai emprunté, il y a quelques jours assez facilement. Je suis même passé à l’endroit où a eu lieu l’accident. Il y a encore les traces sur le sol. Dire que sans ce gamin, l’évènement aurait eu une fin tragique.

     

    Je me rends en ville. J’espère avoir quelques indices sur l’endroit où il peut habiter même si je connais la direction qu’il a pris quand il s’est enfui. Cependant, ça ne veut pas dire que ce sera facile de le retrouver. Arrivé sur place, je commence à interroger les gens du coin. A priori, il se montre plutôt discret car peu de gens savent de qui je parle. Pourtant, un gamin avec des ailes rouges, ça ne doit pas courir les rues non plus.

     

    Après un moment de recherche, c’est dans une superette que j’ai envie une réponse.

     

    -         Oui, je l’ai vu ce soir-là, dit le caissier. Il a d’ailleurs été très poli pour son âge. Par contre, je ne saurais dire où il habitude.

     

    -         Je l’ai vu partir par-là, dis-je en montrant le GPS de mon téléphone, est-ce qu’il y aurait des habitations dans le coin ?

     

    -         Hum… non, enfin… si, il y a une vieille bâtisse, mais elle est abandonnée depuis longtemps. Donc, je ne pense pas…

     

    -         Je vous remercie pour cette information, dis-je sans le laisser continuer.

     

    -         Oh ! Heu… de rien, dit le caissier un peu perplexe.

     

    Il n’a pas l’air convaincu que le gamin se trouve là-bas, mais quelque chose me dit que je vais trouver mo bonheur dans le coin. Je me rends donc à l’endroit indiqué par le caissier, mais je ne trouve rien d’autre que de la végétation. Je cherche un long moment jusqu’à ce que quelque chose attire mon attention.

     

    Une plume rouge virevolte près de moi. Finalement, j’étais sur la bonne piste. Avant d’appeler la Commission, je préfère m’assurer qu’il est bien là et peut-être même prendre la température du côté de ses parents, sur éventuel avenir de super-héros pour leur fils. Certaines personnes peuvent être réticentes à l’idée que leur enfant devienne un super-héros.

     

    Je scrute les alentours et enfin, je vois la maison dont m’a parlé le caissier. Elle n’est pas en très bon état, et franchement, je me demande qui pourrait vivre là-dedans. Je m’approche de la bâtisse doucement et vois un léger mouvement aux fenêtres. Plus de doute, cette maison est bien habitée. Je fais le tour, avant d’aller devant la porte et de frapper. Un coup, deux coups… rien. Pourtant, je suis sûr d’avoir entendu du bruit à l’intérieur. Qui que ce soit, il ne veut pas ouvrir. Craint-il quelque chose ? Probablement. On ne vit pas dans un endroit pareil sans raison.

     

    -         Excusez-moi, dis-je assez fort pour que l’on puisse m’entendre. J’aimerais vous parler s’il vous plait. Je sais qu’il y a quelqu’un. Je ne suis pas de la police, je suis juste à la recherche d’un garçon.

     

    J’entends à nouveau du bruit à l’intérieur. J’entends des bribes de conversation. « Qu’est-ce que tu as fait ? On va avoir des problèmes. Je t’avais pourtant dit de rester tranquille. »

     

    -         Ecoutez, je ne vous veux aucun mal au contraire, dis-je. Ce qu’a fait votre il est incroyable. J’aimerais juste vous parler et à lui aussi, s’il vous plait.

     

    Je n’entends plus rien durant un moment, puis ça s’agite à l’intérieur. La porte s’ouvre doucement sur une femme a l’air fatigué et perdu. Puis, je remarque le garçon derrière elle, habillé d’un T-shirt et d’un short, tenant une peluche Endeavor entre ses bras. Il me fixe d’un air interrogatif.

     

    -         Vous n’êtes vraiment pas de la police, hein,

     

    -         Non, je voulais juste parler avec votre fils et vous.

     

    Je m’accroupis devant le petit garçon blond pour être à sa hauteur. Aucune émotion ne transparait sur son visage et ça me laisse dire qu’il ne doit pas avoir une vie facile.

     

    -         Comment t’appelles-tu ? demandais-je.

     

    -         Non, ne lui dis pas, dit sa mère effrayée.

     

    -         Keigo, dit-il sans prendre en compte l’avertissement de sa mère. Je m’appelle Keigo Takami.

     

    -         Enchanté Keigo, moi je m’appelle Subaru. Si je suis venu te voir c’est pour parler avec toi de ce qui s’est passé, il y a quelques jours, tu t’en souviens ?

     

    Il acquiesce et je vois soudain sa mère perdre ses couleurs.

     

    -         Un accident ? Quel accident ? demande-t-elle. De quoi parle-t-il Keigo ?

     

    -         Votre fils a sauvé plusieurs personnes victimes d’un grave accident de la route. C’est la raison de ma présence ici.

     

    Elle semble horrifiée et d’un seul coup, elle prendre le garçon par la main, le fait rentrer d’un seul coup, avant de refermer la porte en me disant de m’en aller. Je reste un moment, interdit, me demandant pourquoi elle a réagi comme ça, alors que je lui ai dit que son fils avait sauvé des gens. J’ai bien l’impression que cette famille a quelque chose à cacher. Cependant, je pense que je ne vais pas trop les brusquer pour l’instant. La confiance ça se gagne. Je reviendrais demain.

     

    Le lendemain, je retourne à la maison abandonnée. J’ai effectué quelques recherches la veille sur le nom de Takami et ce que j’ai découvert n’est pas très glorieux. Le père du garçon était recherché par la police pour différents vols et meurtres. Il a été arrêté par Endeavor, il y a peu de temps. Pas étonnant que cette femme ait peur de la police, elle a dû vivre dans la peur durant des années, avec un mari pareil. On se demande même comment ce garçon a réussi à survivre jusque-là avec un père pareil. Ça n’a pas dû être évident pour lui tous les jours, vu ces conditions de vie. Ça me donne encore plus envie de l’aider et le sortir de cette misère dans laquelle il vit. Il mérite bien mieux que ça.

     

    Quand, j’arrive devant la maison, je comprends tout de suite que quelque chose cloche. Plus de bruit et la porte est entrouverte. Quand je pénètre à l’intérieur, je comprends tout de suite qu’ils se sont enfuit. Super, c’est bien ma veine. Enfin, vu l’attitude de la mère, ça ne m’étonne qu’à moitié. Me voilà donc revenu à la case départ, cependant, je pense qu’ils ne doivent pas être bien loin. Je finirais bien par les retrouver.

     

    Je prends mon portable et appelle la Commission. S’ils se trouvent en ville, un peu d’aide ne sera pas du luxe. Une fois mon appel terminé, je retourne en ville et dans le quartier que j’ai interrogé la veille et où j’avais trouvé mes réponses. Vu leur condition, je pense qu’ils ont dû aller dans un endroit familier.

     

    Je tiens au courant deux autres membres de la Commission qui ratissent une autre partie de la ville au cas où. Et après environs une heure de recherche, je me retrouve dans un quartier où les gens ne vivent pas vraiment dans le luxe, à en juger par l’état des rues et des immeubles. Ce ne serait même pas étonnant si je croisais des vilains dans le quartier.

     

    J’essaie donc de me faire discret, interrogeant quelques passants jusqu’à ce qu’il y en ait un qui me donne enfin une réponse positive.

     

    -         J’ai vu deux personnes correspondant à votre description, dit-il. Il y a un immeuble là-bas, où se trouvent souvent les gens qui ne savent pas où aller. Je les ai vu entrer hier, par contre, je ne sais pas s’ils y sont encore.

     

    -         Super, je vous remercie pour cette information.

     

    -         Ils n’ont rien fait d’illégal, dites-moi, demande avec crainte l’homme devant moi. Parce que je ne veux pas de problème pour avoir parlé.

     

    -         Non, au contraire, rassurez-vous, répondis-je avec un sourire pour le rassurer. Je vous remercie pour ces informations.

     

    Je me rends à l’endroit que l’homme m’a indiqué et en même temps que je me rapproche de l’immeuble, je préviens les deux membres de la Commission que je suis sur une piste et je leur envois les coordonnées.

     

    Maintenant, reste à savoir s’ils sont toujours là. J’arrive dans l’immeuble et entre doucement pour n’effrayer personne, mais finalement personne ne semble se préoccuper de moi, comme si c’était naturel que les gens entrent et sortent de cet immeuble, alors qu’il ressemble clairement plus à une usine qu’à un immeuble d’habitation.

     

    Je commence à faire le tour, demande quelques infos aux personnes que je croise, mais ces dernières sont plus réticentes à me donner des informations, cette fois. C’est alors que quelque chose vole près de moi. Une plume écarlate. C’est comme si elle était allée d’elle-même vers moi, qu’elle me cherchait aussi, comme hier lorsque je suis allé voir Keigo. La plume atterrit dans mes mains. Est-ce une coïncidence ? Je ne sais pas, mais j’ai presque envie de croire que c’est un appel à l’aide de ce garçon.

     

    Quand je pense aux conditions dans lesquelles il a vécu, ça me sert le cœur. J’envois un message aux agents de la Commission avant de prendre le chemin d’où venait la plume. J’arrive dans un hall assez grand où se trouvent plusieurs personnes et je le remarque tout de suite. Ses cheveux blonds, ses ailes rouges et sa peluche Endeavor qu’il tient contre son cœur comme si c’était la chose la plus importante à ses yeux, ce qui est sans doute le cas.

     

    Il est debout et regarder sa mère se morfondre à côté de lui. Elle a l’air complètement perdue, comme si le monde qui l’entourait lui était étranger. Je m’avance doucement vers eux pour ne pas leur faire peur, mais dès que la mère me voit, elle est prise de panique.

     

    -         Je ne vous veux pas de mail, dis-je en reculant pour lui laisser de l’espace. Je suis là pour votre fils Keigo. Il intéresse beaucoup mes employeurs. Ses capacités sont vraiment exceptionnelles et on pense qu’il pourrait…

     

    -         Subaru ! dit une voix derrière moi. On prend la suite.

     

    Je me tourne et vois les deux membres de la Commission s’approcher de la femme, encore plus effrayée depuis qu’ils sont arrivés. Il faut dire que leur allure se rapproche plus de membres de l’autorité avec leur costume cravate, que moi qui me trimballe et jean et basket. Ils s’approchent de la femme et je sens qu’elle a envie de fuir, mais elle comprend vite qu’elle n’a aucune échappatoire. Ils commencent alors à lui expliquer ce qu’ils attendent de leur fils, sans même se préoccuper de son état et je vois qu’elle ne sait pas trop comment réagir.

     

    Cependant, je crois qu’elle a eu un déclic quand ils ont parlé de prendre en charge tous ses besoins et ceux de son fils. Keigo regarde tour à tour sa mère et les deux hommes avant de s’approcher de lui. Il lève la tête vers moi et j’ai l’impression qu’il a envie de me demander quelque chose et qu’il n’ose pas. Je m’accroupis à sa hauteur et lui fait un sourire pour le mettre en confiance.

     

    -         Tu l’aimes bien Endeavor ? demandais-je.

     

    -         Oui, c’est un héros. Il arrêté mon père.

     

    Je suis surpris par sa réponse. N’importe quel autre enfant aurait sans doute été attristé que son père ne soit plus là, ce qui me fait dire qu’il n’a vraiment pas dû être tendre avec lui depuis sa venue au monde. De ce fait, son arrestation a finalement été une bénédiction pour le garçon.

     

    -         Les héros existent, pas vrai ?

     

    -         Bien sûr qu’ils existent, répondis-je. Et d’ailleurs, nous allons tout faire pour que tu en deviennes un.

     

    -         C’est vrai ? demande-t-il les yeux brillants. Je pourrais devenir comme Endeavor ?

     

    -         Nous ferons tout pour, en tout cas, dis-je en souriant. Et peut-être même qu’un jour tu rencontreras Endeavor en chair et en os.

     

    -         Vraiment ? Vous croyez que ce sera possible ?

     

    -         Avec un alter comme le tien, je suis sûr que tu te hisseras au sommet.

     

    -         Vous croyez ?

     

    -         Oui, dis-je. Si j’avais ton alter, je ne me priverais pas de voler, sois-en sûr.

     

    Il me sourit et je crois qu’il est d’accord avec moi. Les deux membres de la Commission ainsi que la mère de Keigo reviennent vers nous et nous sortons de l’immeuble. A priori, ils ont réussi à la convaincre et avant de laisser le garçon et sa mère, je m’approche de ce dernier pour lui parler une dernière fois.

     

    -         Tu es entre de bonnes mains, maintenant, lui expliquais-je. Ta vie va changer. Maintenant, il va falloir te trouver un nom de héros.

     

    -         Un nom de héros ? s’étonne le garçon.

     

    -         Oui, c’est important d’avoir un nom de héros. C’est ce qui fait ton identité et qui te permet d’être reconnu aux yeux de tous.

     

    -         Ah ! Mais… je ne sais pas, dit le garçon.

     

    -         Avec de belles ailes comme les tiennes et ton regard perçant, tu ressembles à un faucon. Hawks, ça t’irait comme un gant.

     

    -         Hawks ? répète le garçon.

     

    -         Oui, enfin, c’est à toi de décider, c’est toi qui deviendra un héros.

     

    -         Hawks… j’aime bien, dit-il.

     

    -         Subaru, on y va, dit l’un des hommes de la Commission.

     

    -         J’arrive, dis-je à son attention avant de reporter mon regard sur le garçon. Hawks, ta vie va changer à partir d’aujourd’hui. Porte-toi bien et deviens un grand héros.

     

    Il acquiesce en souriant avant de partir avec sa mère vers une nouvelle vie.

     

     

     

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique