• Chapitre 1

    Au placard !

    Encore une fois, il déambulait dans les couloirs de l'école à des heures bien trop tardives pour respecter le couvre-feu de l'école, ou pour respecter une autre bonne douzaine de règlements soit dit en passant. Encore une fois, comme c'était le cas depuis quelques longues semaines, il déambulait seul dans les longs corridors de ce vieux château écossais. Dans ces couloirs sombres, mais pourtant accueillants et rassurants. Cette nuit, à l'instar des quelques nuits précédentes, il faisait bon. Pas particulièrement chaud, mais bon. Ce qui était surprenant, mais surtout très rare, en ce début de mois de mars. Il semblait que le temps s'était calqué sur le bonheur récent qui était né dans ce château. Une idylle qui naissait, comme le printemps très prochain qui pointait timidement du bout du nez ! Tout comme les perce-neiges poussent courageusement et fièrement même en dépit de la neige qui les recouvre.

    Parfois Harry se sentait vraiment comme ces perce-neiges, une fleur unique et seule, des pétales blancs opaques et indiscernables sur un fond hivernal, des pétales, résistants mais fragiles, toujours tournés timidement vers le sol. Pourtant, cette fleur était la première à s'ouvrir aux premières lueurs du printemps, c'était la seule à avoir la force et le courage de se lever fièrement au travers de ce duvet onctueux mais froid qu'était l'amas des tendres flocons de neige. Toutefois, Harry semblait être l'un des maillons faibles de cette myriade merveilleuse, lui seul ne semblait pas capable de forcer cette couche d'hiver qui semblait l'étouffer à toutes les saisons… Il pouvait faire face aux plus grandes tempêtes, aux plus puissants blizzards, mais il était tout à fait incapable de fleurir, de sentir le soleil réchauffer ses pétales fragiles, de sentir sa sève enrichie d'une eau fraîche et revigorante. Parfois, il suffoquait. 

    Bien sûr, Harry était heureux de savoir ses amis les plus proches, ses deux acolytes de toujours, être si bien l'un avec l'autre. Et il l'était sincèrement et entièrement. Il avait d'ailleurs toujours été l'un des premiers à tout faire pour les voir un jour ensemble, pour les voir enfin en couple, comme il était si évident qu'ils le soient. Et enfin, un jour, après six longues années de faux semblants, de disputes moult et très variées, l'inavouable avait enfin été avou ! Le jour de la Saint-Valentin, Hermione, n'en pouvant plus du courage légendaire de son « ami » roux, et de ses prises de risques quasi-inexistantes, avait pris les devants, et les choses s'étaient enfin clarifiées… A savoir que, même si le dernier mâle de la lignée des Weasley présent à Poudlard aurait souhaité réfléchir encore un peu, pour être réellement sûr de ces sentiments et de lui-même, il n'aurait eu son mot à dire… Ne lui restait plus qu'à acquiescer bien gentiment et bien sagement ! Il était de notoriété publique que l'on refusait rarement quelque chose à Miss Granger lorsque celle-ci avait une idée fixe en tête ! Voire rien ! Et Ron ne lui refusait clairement rien, ou ne pouvait décemment le faire !

    Harry sourit à cette image de Hermione en furie se jetant sur ce pauvre « petit » Gryffondor sans défense ! Bien sûr, il était clair que Ron était fou amoureux de la petite brune, et qu'il faisait tout pour répondre à ses moindres caprices, même s'il se montrait parfois très maladroit pour exprimer ses sentiments. Voire maladroit dans ses gestes… Il avait été plus habile à ses premiers entraînements de Quidditch que dans ses premiers jours de relations avec son amie de toujours…

    Il formait un très beau couple, et Harry était heureux de voir leur bonheur si sincèrement et ouvertement affiché, ou comme le disait leur si charmant camarade de Serpentard, Monsieur Drago Malefoy, « Je-suis-ecoeuré-à-la-moindre-vue-de-quelqu'un-d'heureux ! », « Si ignoblement et répugnément collés l'un à l'autre telle une ventouse à son évier débordant de bourbe ! »

    « Quelle fouine ! », se rembrunit Harry. Toujours les mots pour blesser ou pour rabaisser les autres ! A croire que les mots blessants et tranchants étaient les seuls à trouver le chemin le plus direct pour sortir de sa bouche, que ces insultes crues étaient le seul mode de communication qu'il se donnait la peine d'utiliser ! Il en usait d'ailleurs fréquemment, expertement et sans modération aucune… Bien qu'il n'apprécie pas du tout Malefoy, Harry devait au moins lui reconnaître cette qualité, son don à trouver les mots justes pour blesser les gens au plus profond de leur âme, et les insulter sans vergogne !

    Harry ne comptait même plus les réflexions que Malefoy se donnait à joie de distribuer allègrement et généreusement à ses amis lorsqu'ils venaient à les croiser… S'il était aussi compatissant envers les pauvres et les démunis, il n'y aurait plus de famine dans le monde à l'heure actuelle, pensa Harry, plus sarcastique que jamais. 

    Les réflexions qui avaient particulièrement marqué Harry étaient les plus récentes. A croire que plus le temps passait, plus Malefoy se bonifiait, et qu'il réussissait à innover avec brio ses sarcasmes, les rendant à chaque nouvelle esclandre plus mordants.

    « Weasley, cesse de chercher les amygdales de Ganger en public, la vue seule de cet acte profane pourrait en tuer plus d'un ! Sans parler des bruitages qu'il voudrait mieux ne jamais avoir à entendre avant un repas ! Déjà qu'ils étaient difficile de vous regarder avant, vu le physique que vous véhiculez, mais là, ça devient hautement insupportable et clairement invivable ! Heureusement que ma bonne éducation me prévient de rendre mon déjeuner sur mes chaussures dernier cri ! »

    « Weasley et Granger !!! Je peux comprendre que la Sang-de-Bourbe ne soit pas au courant de certains faits, vu son éducation primitive, mais Weasley, franchement, n' il y a-t-il pas d'autres moyens pour se brosser les dents que de participer à un échange aussi matinal et aussi répugnant de substance liquide buccale ! Vous n'avez donc reçu aucune notion de l'hygiène bucco-dentaire, mais surtout le moindre respect pour les gens fragiles de l'estomac, surtout de si bon matin… ? »

    « Weasley !!! Si à chaque fois que tu mettais ta langue dans le gosier de Granger tu recevais un petit Gallion, tu serais riche maintenant ! »

    « Merci Merlin que ces deux-là n'appartiennent pas à l'espèce des escargots et qu'ils ne soient, a priori, pas capables de se reproduire grâce à la combinaison visqueuse de leur deux salives ! Il y a déjà suffisamment de Belettes sur cette planète ! »

    Bien sûr, Harry serait prêt à défendre ses amis jusqu'à la mort, même si lui-même devait reconnaître qu'il n'était pas très à l'aise lorsqu'il surprenait ses amis en plein « débat », ses débats étaient si fréquents et si tumultueux qu'il essayait de les déranger le moins possible tant il était embarrassé et sans mots à la hauteur de ce qu'il surprenait …

    C'est pourquoi, il déambulait seul le soir dans les couloirs de Poudlard…

    Lui, pauvre âme en peine, n'avait personne avec qui partager ses joies et ses peines, et encore moins quelqu'un qui serait prêt à se lancer dans de grands « débats » en sa compagnie…

    Alors que Harry ruminait ses sombres pensées dans ces sombres couloirs, une lueur rosée attira son attention. Le couloir dans lequel il se trouvait actuellement ne lui était pas inconnu, loin de là. Bien que très peu fréquenté par la majeur partie des élèves, Harry y passait assez fréquemment, c'est-à-dire, au moins deux fois par semaine quand il devait se rendre à ses cours de Potions. Etant toujours en retard d'un bon quart d'heure à ce cours qui le passionnait tant, il avait vite fait de trouver un raccourci, et ce raccourci était en grande partie réalisable grâce à ce couloir du quatrième étage, qui lui permettait d'aboutir dans les sous-sols du château en moins de cinq minutes. Tout cela était rendu possible grâce à une trappe cachée sous un meuble purement décoratif et facilement amovible qui donnait sur un énorme toboggan, qui le déposait en douceur à à peine quelques mètres de la « salle » de classe.   

    Et pourtant, bien qu'il ait l'habitude de déambuler dans ce couloir, il n'avait jamais remarqué cette manifestation de lumière, ni ici, ni ailleurs dans le château. C'était une douce lueur rosée qui semblait émaner d'une tapisserie suspendue à quelques pas de lui. C'était une magnifique tapisserie brodée avec grand soin, dans les teintes automnales, représentant Morgane LeFay. De nombreux fils dorés venaient se mêler avec harmonie aux couleurs choisies par l'artiste pour immortaliser la célèbre fée d'Avalon, ils encadraient le chef-d'œuvre à chaque extrémité, mais venaient également élégamment se perdre dans la chevelure fauve et flamboyante, rehaussant le regard envoûtant, amplifiant l'éclat magique qui y vibrait, rendant cette femme encore plus inquiétante aux yeux de ceux qui auraient pris la peine de la fixer au moins un court instant.

    Harry se sentait irrésistiblement attiré par cette lumière qui émanait de la tapisserie, cette lumière chaude qui encadrait le visage de Morgan, la rendant quasi-palpable, quasi-vivante. Il avait l'impression de voir la tapisserie onduler sous ses yeux. Il ne savait que faire ou que penser, mais bien vite, il se rendit compte, pour son plus grand désarroi, qu'il avait, en fait, tout simplement complètement cessé de penser depuis quelques instants et que ses pas l'avait mené malgré lui à la tapisserie.

    De plus près, il ne pouvait que se rendre à l'évidence de la force et de la grande beauté que dégageait cette femme, même si elle n'était présente en ces lieux que grâce aux points de croix qui avaient su peindre ses traits à la perfection. Mais Harry, en y prêtant un peu plus attention, constata également autre chose… La lumière n'émanait pas de la tapisserie elle-même, mais de sous la tapisserie. Cette lumière n'était pas clairement visible, et ressemblait plus à un léger brouillard sucré.

    Harry sentait sa curiosité piquée à vif, il avait envie de savoir ce qui se trouvait sous cette tapisserie. Plus de six ans déjà qu'il parcourait ce château de jour comme de nuit, qu'il y découvrait des choses surprenantes, mais rien n'y faisait, il était toujours aussi surpris et envoûté lorsque s' « imposait » à lui un nouveau mystère, mystère qu'il lui fallait, bien sûr, à tout prix résoudre, ou tout du moins éclaircir.

    Il savait bien que la curiosité était un vilain défaut, et pas des moindres, mais que faire ?, c'était plus fort que lui. Il s'était, à maintes reprises, retrouvé dans des situations très risquées car il n'avait su retenir cette « foutue » curiosité, celle-ci même, qui le mettait à présent à rude épreuve. Mais il savait clairement, avant même de faire le moindre geste, qu'il succomberait à la tentation de savoir ce qui pouvait bien se cacher sous cette tapisserie.

    Prudemment, il s'empara d'un des pans de la tapisserie, en se disant qu'après tout, le directeur ne pourrait décemment pas laisser quelque chose de « dangereux » au sein de cette école afin de ne pas mettre ses élèves en danger, et que « logiquement » il ne risquait rien a jeter un œil. Puis, un petit flash lui rappela sa première année et sa rencontre du troisième type avec Touffu, puis sa deuxième année avec son altercation avec le Basilic… Il jugea alors plus intelligent et plus sûr de sortir sa baguette, juste au cas o

    Alors qu'il soulevait « enfin » le pan de la tapisserie qu'il tenait en main, il vit une petite porte en bois se dessiner sur le mur. C'était une jolie petite porte, très bien ouvragée, qui semblait dater du 17ème siècle, vu les ornementures qui y étaient ciselées. Elle semblait être faite d'un bois solide mais fin. La lueur rosée se diffusait clairement et nettement dans les interstices de la porte, et l'origine du foyer devait se trouver sans nulle doute de l'autre côté de celle-ci. Alors que Harry réfléchissait patiemment quant aux choix qui se présentaient à lui, les souvenirs de ses « folles » années à Poudlard l'ayant quelque peu refroidi, il entendit un léger grincement, et la porte s'entrouvrit lentement sous ses yeux.

    Il fixa quelques instants cette porte béante, puis ayant laissé son regard vagabonder sur l'embrasure et n'y ayant rien détecté de suspect, ne s'étant pas encore fait agresser par une quelconque créature qui se serait jeté sur lui, il entreprit de pénétrer dans cette pièce, ce couloir, ou « le » quoi que ce soit sur lequel cette porte donnait.

    Pris d'un élan de courage, propre aux Gryffondor et plus particulièrement au « grand » Harry Potter, il se décida à pénétrer dans cette « pièce ». Il venait à peine d'en franchir le seuil que la porte se referma brusquement derrière lui, ne lui laissant plus que pour seul éclairage la faible lueur rosée qu'il l'avait attiré dans cet endroit. Le « brouillard » l'entourait totalement à présent, lui donnant l'impression d'être au cœur d'une grosse Barbamerlin bien fournie. Heureusement, Harry raffolait de la Barbamerlin, et tous ses amis savaient qu'il ne fallait pas le laisser trop longtemps seul, en tête-à-tête, avec des confiseries, car il ne savait absolument pas leur résister, tout comme il ne savait pas s'arrêter de s'en empiffrer avant de souffrir d'une bonne indigestion ! Les bonbons c'était son péché mignon !

    « Lumos », tenta Harry.

    N'ayant absolument pas obtenu le résultat escompté, c'est-à-dire l'éclairage de l'endroit dans lequel il se tenait grâce à l'apparition au bout de sa baguette d'une lueur plus forte que celle qui l'entourait, Harry réitéra son sort. Il essaya à plusieurs reprises, puis après tout autant d'échecs, il se dit qu'il avait, soit perdu la main même pour les sorts les plus simples qui soient, soit, qu'il était en un lieu où la magie ne pouvait être utilisée.

    Cette dernière idée, qui lui semblait l'explication la plus plausible, l'incita à revenir sur ses pas afin de sortir de ce « bordel » dans lequel il venait très certainement à nouveau de se fourrer ! A peine eut-il posé la main sur le battant de la porte par laquelle il était entré, que celle-ci disparut d'un coup… Comme par magie…

    Là, il était bel et bien dans de beaux draps ! Pourquoi cela ne l'étonnait-il même plus ? Pourquoi cela ne le paniquait-il pas davantage ? Pourquoi cela devait-il toujours lui arriver à lui ?

    Après plusieurs tentatives infructueuses à se bousiller les poings sur ce vieux mur, et de renforts de coups d'épaule qui lui vaudrait très certainement un froissement musculaire, tant le mur semblait s'être épaissi comme une éponge pleine d'eau, et s'être durcit comme le croûton d'un pain bien rassis… Harry s'avoua vaincu et déclara fort-fait ! Maintenant qu'il savait qu'il lui serait impossible de sortir par la porte par laquelle il était entré, cela ne lui laissait pas d'autre possibilité que de visiter la « pièce » dans laquelle il se trouvait dans le but de trouver une autre issue…

    Il doit bien y avoir un moyen de sortir d'ici… se dit Harry assez confiant.

    Dans ce genre de contextes Harry pouvait se montrer d'une logique implacable, frôlant parfois le ridicule… Le cours de ses pensées lui clamait actuellement que s'il y avait un moyen d'entrer dans une pièce, il y avait obligatoirement un moyen d'en sortir !

    Il se retourna alors vivement dans le but d'explorer cette nouvelle « pièce », qu'il venait à peine de découvrir et qui le mettait déjà dans le pétrin, décidé à trouver un moyen quelconque de sortir et de retourner bien vite à son dortoir.

    Alors qu'il venait de faire une grande enjambé, il percuta violemment ce qui sembla être un mur. Un peu sonné, il se massa doucement le front, certain qu'il aurait, le lendemain matin, une jolie bosse à ajouter à son actif. Il ne comptait plus les bleus et les blessures dont il héritait à longueur de journée… Ciel qu'il pouvait être maladroit ! Mais sa maladresse mise à part, qui avait eu l'idée saugrenue de créer une entrée qui donnait directement sur un mur ???

    Avançant à tâtons, palpant lentement ce qui l'entourait, Harry dut se rendre à l'évidence que ce qu'il avait, tout d'abord, pris pour une pièce, n'était autre qu'une sorte de… placard. Tout à fait le genre d'endroits qui aurait plu à Rusard, se dit-il alors qu'il constatait qu'il était entouré de murs vides de tous côtés, et que rien ne semblait pouvoir les faire bouger ne serait-ce que d'un pouce… Heureusement qu'il avait été habitué à dormir dans son petit placard durant les onze premières années de son enfance, car il aurait très certainement pu risquer une crise de claustrophobie tant les murs étaient étroits, et la pièce peu éclairée…

    Alors qu'il se demandait vraiment de plus en plus sérieusement, et de plus en plus inquiet, ce qu'il allait pouvoir tenter de nouveau et d'ingénieux pour se sortir de l Harry pris conscience du fait que la petite lumière rosée était particulièrement concentrée sous ses paumes, qui étaient elles-mêmes collées à la paroi face à lui. A cette endroit la lumière se faisait plus pâle, plus lumineuse, quasiment blanche.

    De nouveau, il laissa ses mains glisser le long de ce mur, et fut surpris de le découvrir beaucoup plus mou qu'il ne lui avait paru au premier touché. Il lui semblait que ses mains pouvaient légèrement s'enfoncer dans la pierre, laissant des empreintes là où elles se posaient. C'était comme poser ses doigts sur de la terre humide et sableuse…

    Puis, tout à coup, le mur se mit à vibrer… Une sensation inattendue, surprenante, mais pas désagréable. Harry sentait des ondes lui traverser les doigts et remonter lentement le long de ses bras pour se nicher au creux de ses épaules. Il se sentit relaxé, plus qu'il ne l'avait été depuis fort longtemps, et se laissa aller à ce massage inattendu. Le mur se faisait de plus en plus mouvant, et bientôt, il lui fut même possible de discerner de petites vagues naissantes à la surface des pierres… Le mur semblait en quelque sorte se liquéfier sous ses yeux ébahis…

    Sous le mouvement des vagues de pierre, il lui était possible de voir naître une belle écume blanchâtre, qui laissa rapidement place à une étendue turquoise, sans ombre, sans tâche, sans la moindre imperfection…

    Harry se sentait flotter…

    Il fut sorti de sa rêverie brusquement lorsqu'il sentit quelque chose lui saisirent les mains. Il sursauta violemment et ouvrant les yeux, qu'il ne s'était même pas rendu compte avoir clos jusqu'alors, bercé par l'immensité de la beauté turquoise, il vit deux mains face à lui.

    Harry était comme hypnotisé. Il ne savait absolument pas quoi faire. Deux mains étaient apparues sous ses yeux comme sorties de nulle part, deux paumes venaient de se coller contre ses paumes, et il pouvait sentir une douce chaleur s'en dégager.

    Ces deux mains étaient définitivement humaines et semblaient quelque peu plus grandes que les siennes et les doigts, de longs doigts fins et gracieux, se mêlèrent habilement aux siens.

    Alors que Harry observait ce spectacle, comme un spectateur extérieur à la scène, sans oser moufeter ou même bouger, le noir s'installa. Il ne voyait même pas le bout de son nez, et même ses lunettes lui étaient inutiles dans cette obscurité soudaine, mais surtout, totale.

    Harry se tenait là, dans ce placard étroit, seul, dans le noir le plus complet avec pour seule compagnie une paire de mains non identifiées et clairement non familières. Pourtant, cette paire de mains était chaude, douce, accueillante et réconfortante.

    Harry ne savait pas quoi faire. Il était rare qu'il se retrouve dans une situation face à laquelle il ne savait réagir, mais là, il ne savait vraiment pas… Engager la conversation avec cette paire de mains lui semblait la dernière chose à faire… Il se tenait alors là, debout, immobile, le souffle court. Il avait du mal à respirer, mais il ne savait plus si ce trouble de la respiration était dû à l'étroitesse des lieux ou la promiscuité d'un corps qu'il devinait maintenant très proche du sien. Un corps, qui comme les mains qui lui appartenaient, dégageait une chaleur qui aurait pu être presque palpable dans la fraîcheur de ce placard. Mais plus que la chaleur qui émanait de ce corps et se diffusait dans ce lieu étroit, Harry pouvait deviner une respiration non loin de lui, une respiration régulière, qui loin de régulariser les battements de son cœur, ne faisait qu'en accélérer la course !

    Puis, tout à coup, il sentit à nouveau ces mains se mouvoir, pas tant les mains, en fait, que les doigts. Ces doigts mêlés aux siens resserrèrent quelque peu leur étreinte, et son cœur manqua immanquablement un battement… Ses doigts se crispèrent sur ces mains inconnues et pourtant si accueillantes, et la personne à qui elles appartenaient prit clairement cela pour une invitation, ou tout du moins pour un acquiescement tacite, et entreprit de faire plus ample connaissance. Pour se faire, elle laissa ses pouces caresser tendrement les pouces qu'elle tenait fermement, mais pas moins précautionneusement, entre ses doigts… Le cœur de Harry manqua un deuxième battement et sa respiration se fit encore plus difficile et beaucoup plus saccadée…

    Les pouces se firent plus curieux, et se glissèrent le long de ses pouces, pour descendre lentement et langoureusement jusqu'aux poignets, où ils cajolèrent longuement les veines et les artères, zone particulièrement érogène, où ils devaient très certainement sentir un pou tout à fait irrégulier et beaucoup trop rapide pour un homme qui ne participait actuellement à aucun marathon… Puis ils se firent plus aventureux et vinrent se perdre dans le creux de la paume, endroit si sensible et si personnel…

    Harry ne put réprimer un frisson, frisson qui parcourut toute son épine dorsale pour venir se perdre le long de sa nuque sans avoir omis de provoquer certains dommages au niveau de son cerveau qui semblait à présent atrophié. Sa respiration se coupa brièvement et il crut qu'il allait défaillir tant l'oxygène semblait s'être soudainement raréfi ! Il lui fallait de l'air, de l'oxygène, et vite.

    Comme si son bourreau avait pu entendre les cris de son âme en peine, une paire de lèvres vint effleurer un court instant les siennes assoiffées, y laissant une fraîcheur inespérée…

    Harry fut convaincu à cet instant que le paradis devait ressembler à peu de chose près à cela… A cette légère brise qui venait de souffler sur sa bouche. Il n'avait jamais senti quelque chose de plus exquis… Bref, mais exquis…

    Son assaillant s'était reculé, mais si peu que Harry pouvait toujours sentir son haleine fraîche balayer ses lèvres entrouvertes et venir se perdre par rafales dans le fond de sa gorge. Il respirait de nouveau. Il inspira encore une fois, cette fois-ci encore plus goulûment, essayant d'attirer en lui le plus de cette brise qu'il pouvait, de la perdre dans ses poumons, au plus profond de son être. Sa bouche sans qu'il ne s'en soit véritablement rendu compte s'était ouverte, assoiffée, pour accueillir ce souffle nouveau, mais si revivifiant, ce souffle si particulier, ce souffle unique. Sans en être conscient, Harry s'était rapproché de son assaillant, prenant sans retenu ce que ce dernier laissait échapper entre ses lèvres, cette partie de lui qu'il ne pouvait garder à jamais et que Harry voulait avoir pour lui seul. Se faisant, son souffle chaud, qui naissait par intermittence au commissure de ses narines, se mêlait à celui de la personne qui possédait des mains si expertes et un souffle si…vivant.

    Sans qu'il ne comprenne la portée de ses actes, c'est avide qu'il accueillit à nouveau ces lèvres, qui étaient venues encore une fois à la rencontre des siennes. La pression était un peu plus forte que lors du premier contact, mais pas moins désagréable. C'est alors qu'il se rendit compte à quel point ces lèvres étaient douces douces, lisses et fraîches comme un diamant pur finement ciselé. Cette richesse, cette pureté, était à présent à lui !

    La bouche toujours ouverte, il sentit cette douceur se refermer sur sa lèvre inférieure dans un baiser toujours tendre, toujours chaste. Alors qu'il était prisonnier de ces lèvres, emprisonné par cette bouche, il referma lentement la sienne, laissant sa lèvre supérieure se refermer sur celle de son assaillant.

    Bien que son « baiser » avec Cho ait été plus poussé, plus « humide » que celui-ci, il n'y avait rien de comparable ! Il n'avait absolument pas ressenti la même chose… Il avait l'impression qu'un courant continu le traversait de part en part, et il se sentait trembler jusqu'à la pointe des pieds. Il était heureux en cet instant de pouvoir se retenir à quelque chose de stable et de fort, en l'occurrence aux mains de son assaillant, pour ne pas se laisser aller, pour ne pas défaillir ! Il était convaincu que son assaillant pouvait sentir jusqu'au moindre tremblement de son corps tant ce dernier ne semblait plus répondre aux ordres de stabilité lancer en détresse par son cerveau ! Apparemment, ce soir, ses connexions nerveuses ne s'étaient pas particulièrement bien effectuées, et la liaison entre son cerveau et le reste de son corps ne semblait pas être faite. Il ne pensait pas. Il ne pensait plus !

    Alors qu'il se laissait fondre entre ces lèvres et entre ces doigts, il sentit un vent froid s'abattre sur sa nuque et le percer jusque dans ses os, et il se sentit éjecté en arrière. Ayant perdu cette chaleur et ce souffle salvateur, Harry se sentit plus lésé que jamais. Que se passait-il ? Pourquoi avait-il été séparé si brusquement de son sauveur ? Pourquoi l'avait-on arraché à ces bras salvateurs ?

    Il était de nouveau seul dans ce petit placard, petit placard plus sombre qu'il ne l'avait été jusqu'alors… Il faisait noir, si noir… Il était plus perdu que jamais…

    Alors que la solitude s'emparait violemment de lui, plus férocement qu'elle ne s'était imposée jusqu'à cette nuit, il entendit un petit déclic derrière lui qui lui signifia que la porte venait à nouveau de s'ouvrir afin de le laisser sortir, afin de le libérer…

    Quelle ironie du sort… Il venait d'être libéré, alors que la seule chose qu'il désirât en cet instant était d'être prisonnier, prisonnier de ces doigts, prisonnier de ces lèvres, prisonnier de ce souffle, prisonnier de cet être…

    Après un temps qui aurait pu être une éternité ou quelques secondes à peine, il se décida à sortir de cette contemplation stérile et à rejoindre la haute Tour des Gryffondor, qui plus que jamais, ne lui semblerait ouvrir un quelconque nouvel horizon au petit matin, s'il ne lui était plus jamais donné de tenir ces mains étroitement serrées dans les siennes. Plus jamais il ne pourrait refaire surface s'il ne lui ait été pas donné d'être oxygéné à nouveau par ces lèvres, plus jamais…

    Alors qu'il se retournait une dernière fois vers ce placard où été né, et où avait péri tout aussi vite, un nouvel espoir, il croisa le regard de Morgane, et il lui sembla que cette dernière lui sourit d'un air entendu. Il détourna rapidement le regard, mal à l'aise, et s'enfonça dans les corridors qui commençaient à bleuir exposés à la lumière matinale.


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