• Chapitre 5

    « Douce jouvencelle convoitée,

    Vos pieds devront vous mener,

    Jusqu'à votre sœur Morgane le Fay,

    Au pied du Grand Peuplier.»

    « Dans deux lunes argentées,

    L'être désiré sera convié,

    A la vingt-deuxième heure sonnée,

    La porte sera scellée. »

    Depuis son réveil Harry ne pouvait s'empêcher de lire et de relire le message qu'il avait trouvé dans son enveloppe rose. Le papier était à présent tout chiffonné et corné, à tel point que certaines lettres étaient difficilement lisibles, ce qui ne posait aucun problème au jeune sorcier, qui connaissait, de toute façon, le moindre mot sur le bout des doigts ! Il avait lu tant de fois ce message qu'il le connaissait à présent par cœur ! Mais il ne pouvait s'empêcher de le lire et de le relire comme pour rendre les mots plus percutants, plus véridiques ! Il avait besoin de tenir cette lettre entre ses doigts, et de voir ces mots sous ses yeux. Il ressentait le besoin d'être rassuré, d'avoir la confirmation que ce nouveau rendez-vous avec sa moitié du placard aurait bien lieu !

    Il était tant impatient et fébrile dès les premières lueurs de cette nouvelle journée qu'il se dit que celle-ci serait très certainement la plus longue de toute son existence ! Il devait attendre jusqu'à vingt-deux heures, ce soir, avant de pouvoir « revoir » la personne qui avait partagé ce placard avec lui la nuit précédente, avant de pouvoir la sentir à nouveau ! Comme une simple petite journée pouvait paraître interminable quand on souhaitait pouvoir la voir s'écouler au plus vite !

    Bien sûr, même cette impatience dévorante et la fébrilité grandissante ne pouvaient entacher la joie qu'il éprouvait ce matin, après avoir passé une excellente nuit sans l'ombre d'un cauchemar ou d'une menace quelconque. Il était tout simplement heureux, sentiment si simple et si naturel qu'il n'avait plus ressenti depuis longtemps déj ! Il fallait donc qu'il se montre courageux et quelque peu patient, et il pourrait enfin connaître à nouveau ce plaisir si bref et si intense qu'il avait à peine eu le temps de goûter et d'expérimenter, et d'en jouir pleinement.

    Oui, quelques petites heures à attendre, quatorze pour être plus exact, avant d'être en présence de cette personne qui comptait d'ores et déjà tant à ses yeux… Quatorze heures, c'était faisable tout de même, se dit Harry plein d'espoir, ça n'était tout de même pas la mer à boire à boire et encore moins le bout du monde !

    Mais notre pauvre Harry dut se rendre à l'évidence bien vite que ces quatorze pauvres petites heures étaient un calvaire insupportable à vivre. Il avait cette impression désagréable de vivre une journée sans fin ! Il lui sembla, toute la matinée durant, que le temps avait cessé sa course, et que les grains de sable qui se trouvaient dans les grands sabliers de Poudlard s'étaient tous mis d'accord pour tomber les uns après les autres, le plus lentement possible et dans un ordre des plus saccadés ! Certains semblaient d'ailleurs se bloquer vicieusement et volontairement à certains moments, très certainement dans le but d'empêcher les autres de passer, et de ralentir ainsi les minutes, qui ne semblaient d'ailleurs pas souhaiter s'écouler normalement.

    Quant sonna enfin l'heure du déjeuner, Harry se sentit reprendre confiance, se disant que la première partie de la journée était passée, et durant l'heure du repas, il fit moins attention au temps qui passait grâce à la présence enjouée de ses amis, qui heureusement pour lui, avaient décidé d'être particulièrement bruyants et dynamiques ce jour-l ! C'est donc quelque peu plus fort qu'il se rendit à son cours de l'après-midi jusqu'à ce que ces pas s'arrêtent devant la prochaine porte de classe qu'il devait franchir, et qu'il prit conscience du cours qui l'attendait : « Histoire de la Magie ». Horreur et abomination ! Ce cours fut bien plus abominable que tous ceux auxquels il avait assisté depuis son entrée à Poudlard ! Même ses pires souvenirs en cours de Potions ne faisaient pas le poids face à ce qu'il était en train de subir dans ce cours-l ! Le professeur Binns s'était encore une fois lancé, avec l'enthousiasme d'un rat crevé sur le bord de la chaussé, sur le thème de la sempiternelle Révolte des Gobelins… Harry aurait pu jurer que le professeur avait au moins répété les mêmes événements trois fois durant ce cours-ci, et il aurait pu mettre son bras à couper que Chronos en personne avait pris un malin plaisir à ralentir le temps, voire à rembobiner sa course, afin de lui infliger le supplice de longues heures supplémentaires !

    Harry fut des plus reconnaissants lorsque ce cours interminable s'acheva. Il s'empressa de retourner dans son dortoir afin de faire ses devoirs. Mais quelle ne fut pas sa surprise quand il découvrit avec horreur qu'il n'avait presque rien à faire, alors qu'il était généralement débordé et qu'il croulait sous les parchemins de retard qui s'entassaient autour de lui ! Comme il en voulait à Hermione de l'avoir obligé à se mettre à jour dans ses devoirs à peine une semaine auparavant, cela lui avait semblé être une bonne idée sur le coup, mais maintenant, il avait de sérieux doutes ! Au bout d'à peine une heure et quart, Harry en avait terminé avec ses devoirs bien qu'il ait tout fait pour faire traîner les choses… Pourquoi fallait-il justement que les seuls devoirs qu'il ait à faire étaient en des matières où il était plutôt bon ?

    Désespéré, Harry jeta un œil sur la pendule de la Salle Commune et fut dérouté en voyant qu'il était à peine dix huit heures !!! Il lui restait encore une heure trente à combler avant de pouvoir aller dîner… Que pouvait-il faire ? Il jeta rapidement un œil sur les devoirs qu'il aurait pu commencer et qui n'était pas à rendre avant un bon mois. Il constata que la seule matière pour laquelle il lui était possible de s'avancer était celle des Potions, et cela ne fit qu'amplifier son désarroi. Lui, Harry Potter, commencer un devoir de Potions à l'avance ? Jamais !!! Plutôt aller tenir compagnie à Aragog au cœur de la forêt interdite !

    Quelques minutes plus tard, Harry déambulait le long des étagères de la Bibliothèque. Il n'était pas très familier avec l'endroit, et cela lui prit quand même un certain temps avant de trouver la partie où étaient gardés les livres de Potions, partie où il n'avait bien sûr jamais mis les pieds ! Madame Pince lui avait d'ailleurs accordé un regard suspicieux, puis compatissant, lorsqu'il était allé lui demander conseil…

    Quand il arriva au rayon indiqué par la bibliothécaire, il se rendit compte à quel point l'endroit était en harmonie avec les cachots, à croire que c'était Rogue lui-même qui en avait choisi l'aménagement ! Harry avançait, de plus en plus mal à l'aise, ne croisant sur sa route que des Serpentard qui lui jetaient des regards suspicieux et haineux. Il se douta qu'il ne pourrait très certainement pas leur demander de l'aider à choisir le livre le plus approprié pour son devoir dans ces conditions. Il aurait plus de chance de se retrouver encastré entre les rayonnages poussiéreux que d'obtenir une quelconque aide de leur part, réputation oblige ! Il continuait à avancer lentement, laissant ses doigts glisser le long des lourds ouvrages exposés sur les rayonnages, passant devant des titres qu'il ne réussit même pas à déchiffrer, très certainement écrits dans des langues qui lui semblèrent anciennes pour certaines, extra-terrestres pour d'autres.

    Il continua sa petite balade jusqu'à atteindre un petit renfoncement que Madame Pince lui avait indiqué comme pouvant contenir des ouvrages qui pourraient l'aider pour le devoir qui lui avait été assigné. Comme toujours, Harry avait eu la bonne idée d'arriver en retard au cours de Rogue ce jour-là, et ce dernier lui avait imposé le sujet de son devoir de fin de trimestre sans lui demander son avis et sans lui laisser placer le moindre refus ! Il s'était donc retrouver avec un devoir dont personne n'avait voulu, l'intitulé à lui seul noircissait la moitié d'un parchemin de taille standard ! Hermione lui avait gentiment fait la traduction de ce qui lui était demand c'était un devoir sur les potions qui étaient utilisées pour créer des amulettes, avec un regard plus particulier sur les amulettes de protection. Fabuleux !   

    Harry s'engouffra donc dans le petit renfoncement qu'il avait réussi à trouver au sein du labyrinthe que formaient les étagères de la Bibliothèque, en peu de temps, comme par hasard, alors qu'il avait habituellement un sens de l'orientation déplorable ! Alors qu'il s'enfonçait lentement le long de ces nouvelles étagères, peu éclairées, il découvrit que des tables de travail se trouvaient également dans ce coin. Qui pouvait bien venir travailler ici alors qu'on n'y voyait presque rien, sans parler du fait qu'il était, lui, myope comme une taupe ?!

    Il vit toutefois que quelqu'un occupait bien l'une des tables, la plus éloignée de l'entrée. Cette personne était dos à lui, et semblait s'être endormie, la tête sur un livre. Harry ne put s'empêcher de sourire devant ce spectacle, se remémorant le nombre de fois où ça lui était arriv ! Il se disait bien qu'il était impossible de travailler ici ! Il faisait trop chaud et l'éclairage si tamisé ne pouvait inviter qu'au repos, et aux caresses de Morphée. 

    Il s'avança, en essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger la personnes assoupie, afin de jeter un œil aux ouvrages se trouvant plus au fond du renfoncement, mais également pour jeter un œil sur la personne endormie, presque décidé à lui faire une mauvaise farce en la réveillant brusquement. Ce n'était, certes, pas très gentil, mais distrayant ! Alors que ces pas le menaient à l'endormie, Harry prit conscience brusquement qu'il connaissait cette personne. Même à plusieurs pas d'elle, Harry savait qui elle était ! Sous ses yeux des cheveux d'un blond scintillant brillaient comme des fils d'or sous cet éclairage, et ces cheveux dont la teinte unique ne pouvait appartenir qu'à une seule personne dans cette école, lui faisait clairement comprendre que cette personne endormie devant lui ne pouvait être qu'un Serpentad qu'il connaissait bien, Drago Malefoy !

    Harry ne put empêcher ses pieds de le mener plus près du garçon endormi, ne s'arrêtant qu'à à peine deux pas de lui. Ses yeux se posèrent sur le visage du Serpentard qui lui était à présent visible. C'était la première fois qu'il pouvait voir le visage de Malefoy n'exprimer aucun sentiment, mais surtout aucun sentiment de dégoût ou de haine. Son visage était complètement détendu. Il semblait si paisible. Il avait même du mal à se rendre à l'évidence que la personne devant lui, était bien la même personne qu'il avait l'habitude de « côtoyer » tous les jours.

    Lentement, il s'assit sur la chaise qui se trouvait à côté de celle sur laquelle Malefoy était posé. Harry n'arrivait pas à comprendre pourquoi il ressentait cet apaisement soudain à la simple vue d'un Malefoy endormi, mais sans s'en rendre réellement compte, il ne pouvait dénier le fait que c'était une belle vue.

    C'était la première fois que Harry prenait le temps de regarder vraiment les traits de Malefoy. Il ne pouvait dénier le fait que Drago avait de beaux traits, ils étaient fins, délicats, clairement d'ascendance aristocratique. Ses cils étaient longs et fins, sombres tout comme ses sourcils, qui contrastaient avec la pâleur de sa peau et la clarté de ses cheveux. C'était réellement impressionnant. Son nez était légèrement retroussé, détail qui ne l'avait jamais frappé, et ses lèvres étaient pleines, parfaitement dessinées, pâles elles aussi, mais suffisamment rosées pour sembler sucrées. Plus Harry détaillait les traits de l'endormi, plus il se disait que malgré la masculinité évidente qui se dégageait de Malefoy et de sa stature, car malheureusement contrairement à lui, Malefoy était grand et bien bâti, il avait quand même cette beauté fulgurante qui était propre aux femmes. C'était très déstabilisant !  

    Harry aimait le tableau qu'il découvrait sous ses yeux, mais il ne pouvait refouler le malaise qui s'installait en lui, très certainement à la constatation qu'il était en train de fixer, d'observer, d'analyser Malefoy, alors que ce dernier dormait si paisiblement. Il avait l'impression de faire quelque chose de mal, de pervers. Il était là, à regarder Malefoy, son ennemi de toujours, alors que ce dernier s'était laissé aller au sommeil, qu'il était dans ce monde de songes où il n'est plus nécessaire de faire semblant, qu'il avait baissé toutes ses gardes. Malefoy était sans défense, complètement exposé. C'était intéressant !

    Alors que Harry était hypnotisé par le mouvement des paupières de Malefoy, se demandant de quoi ce dernier pouvait bien rêver, il bougea. Harry se recula légèrement faisant quelque peu crisper sa chaise. Il avait été surpris par le mouvement imprévu du blond endormi. Le souffle court, il vit Malefoy se repositionner, les mains un peu plus proches de son visage. Le bruit ne semblait pas l'avoir éveillé alors que Harry avait eu l'impression d'avoir fait autant de bruit que les sabots d'une centaine de bisons dans un canyon.

    A présent Harry pouvait entendre un petit gémissement échapper au blond. Sans savoir pourquoi, Harry se sentit rougir. Il se demanda à quoi pouvait bien rêver le blond. Puis il se laissa envoûter par le souffle régulier qui échappait au blond, un souffle très léger qu'il était à peine possible d'entendre mais que Harry percevait malgré tout. C'était un souffle voluptueux et chaud, agréable à écouter, très apaisant…

    Alors que Harry fixait les lèvres entrouvertes du blond par lesquelles s'échappait ce souffle chaud, ses yeux glissèrent sur les mains blanches du jeune homme. Il n'était pas difficile de se dire et de constater que ce garçon n'avait jamais rien fait de ses dix doigts ! Ses mains étaient parfaites, sans le moindre défaut, et semblaient si soyeuses… Il avait de longs doigts pâles et des ongles bien entretenus… Il devait très certainement faire la fortune d'un centre de manucure spécialisé, et si c'était naturel, c'était encore pire dans l'esprit de Harry qui avait des ongles désastreux… Il était si angoissé en règle générale qu'il passait son temps à se grignoter les ongles, ce qui ne donnait pas un très joli résultat… Vraiment de très jolies mains, se dit-il plus pour lui-même, elles semblaient douces également, ce qui contrastait complètement avec l'agressivité du personnage.    

    Harry fut tiré de sa rêverie, de sa contemplation, par un nouveau gémissement, cette fois-ci un petit peu plus audible, qui venait d'échapper au Serpentard. De quoi pouvait-il bien rêver ? Ca n'avait pas l'air d'être un gémissement de complainte ou de douleur… Harry se sentit légèrement rougir, que lui prenait-il donc d'observer ainsi son ennemi de toujours ? Malefoy était là, sous ses yeux, endormi, sans défense, et lui, ne trouvait rien de mieux à faire que de l'observer au risque d'être découvert par un élève quelconque, qui ne trouverait très certainement pas cela normal d'avoir un Potter et un Malefoy ensemble dans un rayon de moins de 500 mètres d'écart sans se battre, ou pire que Malefoy se réveille et le voit en train de l'observer comme une bête curieuse !  

    Malefoy soupira un peu plus fort cette fois-ci, ce qui tira complètement Harry de sa contemplation. Il se rendit alors compte que durant son examen du visage de son ennemi, il ne s'était même pas rendu compte que la nuit était tombée et qu'il faisait presque nuit noire. Combien de temps s'était-il donc écoul ? Il était très certainement l'heure du dîner… Le mouvement des élèves dans la Bibliothèque le lui confirma. Il se leva alors sans faire le moindre bruit de peur de réveiller le jeune Serpentard. Il hésita un bref instant à le réveiller afin qu'il puisse aller dîner, mais aussi car sa position n'était pas des plus confortables, il risquait d'avoir un de ces maux de cou à son réveil ! Harry en savait quelque chose vu le nombre de fois où il s'était endormi sur ses parchemins dans la Salle Commune des Gryffondor. Toutefois, il se ressaisit bien vite, il était hors de question que Malefoy sache qu'ils avaient été aussi proches, mais surtout que Harry avait eu tout le loisir de l'observer alors qu'il était assoupi !

    Harry quitta donc promptement le renfoncement qui cachait le jeune blond endormi avec un certain sentiment de malaise. Il ne pouvait effacer de sa mémoire cette nouvelle image du Serpentard, cette image incroyable qu'il n'aurait jamais même pu soupçonner ! Il venait de découvrir une partie du monde de Malefoy qu'il ne connaissait pas et qu'il n'avait nullement envie d'approfondir ! Il ne souhaitait pas connaître Malefoy dans sa vie, dans son intimit ! Que pourrait-il y découvrir qu'il ne sache déj ? Ce garçon était mauvais, et surtout, le détestait ! Avait-il besoin d'en savoir plus ? Certainement pas ! Il oublierait bien vite ce qu'il venait de voir, de penser et de ressentir…

    Toutefois, il pouvait très certainement lui être reconnaissant d'une chose, il venait de lui faire passer une heure sans qu'il ne s'en rende compte. Cette heure s'était écoulée extrêmement rapidement… Tant mieux après tout, il n'allait pas se plaindre d'avoir pu écouler une heure de cette journée sans fin, même si elle s'était écoulée à regarder un Malefoy endormi… Au moins, il avait découvert que quand l'autre garçon ne parlait pas et ne le fixait pas de ses yeux haineux, il pouvait tout à fait tolérer sa présence !

    Il regagna donc la Grande Salle sans accorder une autre pensée au Serpentard. Après tout, il avait autre chose en tête qui était bien plus plaisant et bien plus important ! Il passa la grande porte pour se rendre compte que la plupart des élèves étaient déjà installés. En longeant la table des Gryffondor, il tira une légère grimace en se rendant compte qu'ils avaient au menu une salade d'olives. Certes, il n'aimait pas particulièrement les olives, mais ce n'est pas ce qui le dérangeait le plus. Il ne se rappelait que trop bien le spectacle auquel il avait dû assister la dernière fois qu'ils avaient eu des olives au menu… Ses peurs furent malheureusement confirmées quand il atteignit son siège. Ses camarades s'étaient déjà servis, et ses deux amis de toujours, Hermione et Ron avaient déjà commencé leur prestation… Ils étaient assis l'un en face de l'autre, et essayaient tant bien que mal de se jeter des olives afin de les rattraper au vol, enfin, de les gober serait plus juste… Mais comme toutes les fois où ils se lançaient dans ce type d'expérience, les olives terminaient toujours beaucoup plus souvent au mieux par terre, ou alors dans les plats ou les genoux de leurs camarades. La première fois où ils avaient tenté l'expérience, un jeune Poufsouffle s'était retrouvé les quatre fers en l'air n'ayant pas remarqué le petit monticule d'olives qui se dressait par terre, une autre fois Ginny avait failli étrangler son frère qui avait eu la gentillesse de parsemer sa belle chevelure rousse de pop-corn sucré et collant alors qu'elle venait à peine de la laver et de la coiffer en vue d'un rendez-vous. Sans parler des fois où Seamus décidait de prendre part au jeu et qu'il se jetait sur tous les morceaux qui passaient non loin de lui, et ce soir, malheureusement pour tous, Seamus était assis à côté de Ron ce qui ne se laissait rien présager de bon ! Encore une heure qui allait sembler extrêmement longue à Harry !

    Le repas enfin terminé, et une bonne douzaine d'olives après, qu'il avait généralement reçu en plein dans la face, ses réflexes d'Attrapeur étant très clairement mis en péril par les pensées qu'il accordait à la jeune demoiselle du placard et qui l'empêchaient de réfléchir à tout autre chose et encore moins aux dangereuses olives qui se perdaient, Harry se dirigea enfin vers son dortoir. Il ne lui restait plus que deux heures à faire passer avant de se rendre à son rendez-vous, ce qui lui laissait tout le temps de prendre une bonne douche avant.

    Il se dirigea donc vers son dortoir afin de prendre tout ce qui lui était nécessaire pour sa douche. Puis, pour une fois, il choisit avec minutie les vêtements qu'il allait mettre pour cette soirée. Généralement, il se mettait directement en pyjama, mais il ne pouvait décemment pas se rendre à son premier rendez-vous officiel avec cette jeune fille vêtu n'importe comment, et encore moins en pyjama ! Il prit donc un pantalon anthracite à pinces qu'il portait lors de grandes occasions, et son pull en laine vert émeraude tricoté à la main ! Ce pull lui avait coûté une petite fortune, mais après l'avoir essayé sous les conseils d'Hermione, il n'avait pu le laisser, pour une fois qu'un vêtement lui allait bien et cachait quelque peu sa maigreur…

    Bien sûr, il savait que la jeune fille ne verrait nullement ces vêtements dans la noirceur du placard, mais il voulait tout de même être habillé convenablement, et lui aimait la douceur de son pull, peut-être en serait-il de même pour elle, s'ils venaient à se toucher plus qu'ils ne l'avaient fait deux nuits auparavant… C'est un Harry rougissant et quelque peu émoustillé qui se rendit dans la salle de bains, qui était annexe à son dortoir, se disant que ce n'était définitivement pas le moment de penser à ce genre de choses.

    Il se déshabilla donc prestement pour se libérer de l'étroitesse soudaine de son uniforme, et se précipita sous le jet, tout d'abord froid, de sa douche. Etant frileux de nature, il ne put rester bien longtemps sous cette trombe d'eau glacée, et y ajouta petit à petit de l'eau chaude. Rapidement sa douche se fit brûlante. Harry aimait l'eau très chaude, dans ces moments-là, il avait presque l'impression que la chaleur ambiante, que les gouttes qui martelaient agressivement sa peau pouvaient le pénétrer, le réchauffer vraiment de l'intérieur. Sans compter que les multitudes de gouttes qui s'abattaient sur son corps lui procuraient un soulagement immense, par leur danse agressive, elles parvenaient à le détendre, massant vigoureusement tous ses membres. Ils les laissent s'abattre sur sa nuque, ses épaules, son dos, puis rouler lourdement le long de son épine dorsale pour se perdre sur ses hanches étroites et ses jambes. Ce massage, en fin de journée, parvenait réellement à le relaxer de tout ce qui lui était arrivé dans la journée…

    Il préférait en général se doucher le soir, avant de dormir, espérant toujours qu'il serait assez détendu pour s'endormir tout de suite, mais surtout suffisamment calme et épuisé pour ne pas faire de mauvais songes. Lorsque ces mauvais rêves le laissaient le matin perturbé, il lui arrivait de se doucher avant d'aller en cours pour se détendre et se sentir fort pour faire face à une nouvelle journée à être Harry Potter, le héros et Sauveur du monde magique !     

    Ce soir, comme tous les soirs, sa douche parvenait bien à le détendre… Toutefois, une partie de son anatomie semblait définitivement encline à la nervosité et était aussi tendu qu'un arc prêt à décocher une flèche. Il ne comprenait pas. Comme tous les jeunes garçons de son âge, il lui arrivait de temps à autre d'avoir ce genre de « soucis », mais très rarement à cette heure-ci de la journée, et surtout, jamais quand il se relaxait sous sa douche ! Mais il savait que ce soir, cette nervosité soudaine était due à son impatience et à son angoisse à se retrouver à nouveau en présence de la jeune fille du placard… Pourvu qu'il n'ait pas ce même problème en face d'elle, il serait mortifié si cela venait à se produire… Il fallait qu'il se soulage, il fallait qu'il soit aussi détendu que possible pour son rendez-vous… Oui, mais il avait toujours eu en horreur l'acte de l'auto soulagement…

    Alors qu'il se frottait vigoureusement le corps avec son gel douche aux trois pommes, après s'être lavé les cheveux avec son shampoing à la pomme verte, Harry étant un fanatique du parfum sucré et acidulé de ce fruit, son problème restait toujours clairement présent. Alors qu'il laissait ses doigts vagabonder avec légèreté sur ce membre durci pour ne susciter aucune douleur, ni aucune friction trop stimulante, Harry se dit qu'il devait vraiment se résoudre à trouver une solution de lui-même pour régler ce léger problème devant lequel il se trouvait. Les lents mouvements de va-et-vient, qu'il réalisait afin de se laver, se muaient en tout autre chose, et alors qu'un gémissement rauque sortait de ses lèvres entrouvertes, Harry prit conscience de ce qu'il était en train de faire et stoppa net cet acte qu'il ne cautionnait pas !

    Le souffle court, toujours sous le jet brûlant, il se força à fermer les yeux le plus fort possible jusqu'à ce que des étoiles multicolores ne se forment sous ses paupières closes, ouis il se força à penser à quelque chose de repoussant, quelque chose de hideux qui pourrait très certainement mettre fin à cette manifestation, certes naturelle de son corps, mais tout aussi honteuse et abjecte. Des images de combats, d'insultes, déferlèrent devant ses yeux toujours clos, et il lui sembla que ce défilé d'images avait l'effet souhaité, jusqu'à ce qu'une voix en particulier ne résonne à ses oreilles, une voix sifflante, pleine de haine, et pourtant chaude en cet instant. Les images de sa dernière altercation avec Malefoy se formèrent sous ses yeux, et le visage du blond, haineux ce jour-là, crispé par la colère et le dégoût, se mua lentement en un visage formé de courbes harmonieuses et d'une douceur inimaginable… L'image de l'après-midi s'empara complètement de son esprit, ne laissant plus la moindre place à quoi que ce soit d'autre… Harry écarquilla les yeux, cherchant par ce biais à dissoudre cette image dominante dans son esprit flou !

    Jamais il n'avait été aussi honteux qu'en cet instant, les yeux posés sur un membre à nouveau dur comme de la pierre, et plus tendu que jamais ! Harry ne comprenait plus rien ! Si on lui avait demandé un jour un top 3 des pires horreurs qu'il lui était arrivé de croiser, Malefoy en aurait très certainement fait parti, et là, son corps lui faisait clairement comprendre qu'il n'en était rien ! Cette image qu'il avait surprise cet après-midi était beaucoup plus néfaste qu'il ne lui avait semblé au premier abord ! Mais il était hors de question qu'il se laisse corrompre par elle ! Maintenant qu'il avait enfin trouvé quelqu'un, et qu'il espérait que cette personne pouvait ressentir la même chose que lui, il n'était pas prêt à se laisser aller à ce genre d'analyses. C'était juste une coïncidence, c'était juste parce que Malefoy avait ce quelque chose de féminin à cet instant ! Bien sûr, ça ne pouvait être que cela !

    Harry toujours face à ce problème grandissant, décida d'en venir à une solution ultime. Il se surprit à penser à un Dumbledore en short de bains à palmiers sur une plage de sable fin entourée de cocotiers, avec une McGonagall en maillot de bains deux pièces en train de faire du houla-hop. Sans oublier d'y ajouter une touche de Rusard en slip de bains léopard avec un cocktail très haut en couleur dans l'une des mains et Miss Teigne récouverte d'énormes fleurs dans l'autre. Cette image repoussante eut bien l'effet escompté et Harry en fut grandement soulagé, même si son estomac menaçait à présent de déborder… Il pria très fort pour que ces professeurs ne puissent jamais découvrir la pensée qu'il venait de créer de toute pièce pour résoudre un problème aussi humiliant.

    Il sortit de la salle de bains en quatrième vitesse, se sécha, et s'habilla avant de pouvoir repenser à quoi que ce soit qui venait de se passer dans cet endroit. Il n'en avait plus le temps de toute façon, il devait se hâter d'aller à son lieu de rendez-vous. Avant de quitter son dortoir, il attrapa sa cape d'invisibilité et se faufila dans les longs corridors de l'école. Il lui fallait être rapide, mais prudent. Ses pas le menèrent prestement jusqu'au hall d'entrée, les cinq étages descendus sans le moindre incident. Il traversa le hall et entrouvrit lentement la lourde porte d'entrée, se faufila à l'extérieur, et referma lentement le lourd battant derrière lui. Il faisait froid au dehors, mais il décida d'ignorer cette information que lui indiquait son cerveau déjà endolori.

    Il longea lentement l'enceinte du château et se dirigea à pas de loup vers la serre numéro trois à côté de laquelle s'élevait le plus ancien peuplier de l'école. Il ne comprenait toujours pas pourquoi l'endroit du rendez-vous avait été fixé à cet endroit précisément… Pouvait-il y avoir un placard à cet endroit ? Harry était quelque peu dubitatif, mais c'était bien l'endroit clairement indiqué sur le petit parchemin qui se trouvait dans son enveloppe.

    Après quelques minutes de marche dans le silence le plus complet, à avancer dans l'herbe encore boueuse, où seul son souffle et le bruit de ses pas étaient audibles, il arriva enfin au pied du grand peuplier. C'est vrai que cet arbre était impressionnant. Madame Chourave leur avait expliqué lors d'un cours en cinquième année que plus les arbres étaient anciens plus une magie puissante se dégageait d'eux. Celui-ci avait poussé durant plusieurs siècles dans une forêt moldue, y dégageant une aura bienfaisante et y procurant un bois précieux pour la création de certaines baguettes, jusqu'au jour où, lors de l'Inquisition, des Moldus avaient décidé de l'abattre sans vergogne clamant haut et fort qu'il renfermait les secrets diaboliques des sorcières. Le Directeur de Poudlard de l'époque avait réussi à sauver l'arbre alors qu'il était en train de prendre feu et l'avait alors replanté dans la cours de l'établissement et avait fait construire de nouvelles serres autour de l'arbre. Inutile de préciser l'âge de l'arbre qui était plusieurs fois centenaires, tout comme celui des serres qui devaient au moins avoir le tiers de son âge !  

    Harry posa tendrement et respectueusement sa main sur l'écorce solide et pourtant douce de l'arbre, puis laissa sa main se balader le long des creux et des déliés. En ayant fait plusieurs fois le tour, et ayant observé attentivement chaque parcelle à hauteur de ses yeux, il finit par se dire qu'il n'avait pas dû comprendre le sens du message, et commençant à paniquer voyant l'heure tourner, il se recula et sorti la lettre de sa poche. Alors que son pied percutait le mur de l'école, il se sentit basculer en arrière et frappa lourdement le mur qui se trouvait derrière lui. Alors qu'il allait reprendre son équilibre, il sentit le mur vibrer dans son dos et bascula dans le vide.

    Alors qu'il se redressait douloureusement, tâtant précautionneusement l'endroit où sa tête venait de heurter douloureusement une surface solide quelconque, une nouvelle bosse en perspective se dit-il ironiquement, il tenta de se mettre en équilibre sur ses deux jambes, chose qui n'était pas des plus évidentes en cet instant ! Il s'appuya sur le mur qui se trouvait derrière lui, et lentement ouvrit ses paupières douloureuses pour découvrir encore une fois qu'il était dans un lieu très sombre. Il n'y avait aucune fenêtre dans cet endroit, pourtant il lui était possible de discerner une lueur trouble et rosâtre à quelques mètres devant lui. Son cœur s'emballa instinctivement. Il venait de trouver l'endroit du rendez-vous, il en était sûr ! C'est un peu plus rapidement qu'il ne l'aurait dû, qu'il rejoignit le point lumineux.

    A nouveau sous ses yeux, dans un halot de lumière froide et rose, se dressait la tapisserie de Dame Morgane. Toujours aussi belle, toujours aussi mystérieuse. Toutefois, bien que le personnage soit indubitablement le même, la tapisserie était différente, elle. Lors de la première nuit où il avait croisé le regard de cette fée, elle était représentée dans un décor automnale, dans les teinte rouges et flamboyantes. Cette fois-ci les couleurs choisies étaient beaucoup plus pâles, beaucoup moins marquées. Morgane Le Fay, était assise sur les racines d'un saule pleureur, dont les branches dégarnies venaient se perdre sinueusement autour d'elle. Les branches d'un noir charbon contrastait fortement avec le teint si pâle et si blanc de la fée. Ses cheveux, si flamboyants sur la tapisserie précédente, était d'un auburn sombre sans lumière et à moitié caché sous la capuche profonde qui encadrait son visage, toujours aussi impassible, mais d'une grande douceur. Sa capuche en fourrure blanche retombait lourdement sur ses épaules, et son corps si frêle, mais si langoureux à la fois, était embrassé d'une lourde cape qui ne laissait entrevoir que la naissance de ses pieds nus. La blancheur du vêtement de Morgane était en harmonie parfaite avec la blancheur de la tapisserie, il était recouvert d'une fine couche de neige pure qui continuait à tomber légèrement, et régulièrement. Les flocons de neige scintillaient comme des centaines d'étoiles filantes, ajoutant à cette œuvre immaculée des touches de couleurs verglacées, mais lumineusement colorées. Cette luminosité, qui n'existait que grâce aux flocons givrés qui dansaient sur fond de ciel blafard et grisonnant, était rehaussé par les fils argentés qui encadraient la tapisseries et qui venaient s'emmêler dans les branches tombantes du saule, les faisant briller par intermittence comme les décorations d'un merveilleux sapin de Noël. Seules les lèvres rouge sang de la fée contrastaient vivement avec le tableau hivernal, ses lèvres entrouvertes qui attiraient l'œil et rehaussaient le regard de braise de la fée, seul élément réellement vivant sur la tapisserie.

    Encore une fois Harry se sentait observait par la fée d'Avalon, et était mal à l'aise sous ce regard scrutateur. Se pouvait-il que la jeune fille du placard ressemble en quelque point que ce soit à cette femme magnifique ? Certainement pas physiquement, tant le beauté de la fée était surnaturelle, mais en autre chose ? Alors qu'il méditait et qu'il pensait à la jeune fille qui l'attendait peut-être déjà de l'autre côté de la toile, il vit les lèvres de Morgane dessiner durant un court instant un sourire des plus malicieux. Tout un coup, un vent bref mais intense vint s'abattre sur lui, soulevant en même temps la tapisserie et lui révélant la porte du placard, qui venait de s'entrouvrir. C'est sans la moindre hésitation qu'il s'engouffra dans le placard, trop avide, trop curieux, trop heureux d'être à nouveau en présence de cette fille qui l'avait rendu si vivant. Il espérait tant qu'elle viendrait ! Il refusait de croire un seul instant qu'elle ne serait pas là, il était convaincu qu'elle aussi avait ressenti la même chose lors de leur première rencontre ! Il le fallait !  

    Alors que la porte se refermait derrière lui, il ne perdit pas une seule seconde et posa immédiatement ses mains sur le mur qu'il devinait lui faire face dans l'obscurité, qui s'était, cette fois encore, emparée des lieux. Cette fois-ci, il ne ressentait absolument aucune inquiétude face à cette noirceur, ni même d'inquiétude quant à ce qui allait se passer sous peu, juste de l'appréhension. Son estomac se tordait sous l'impatience, mais ce n'était pas douloureux. Il avait plutôt l'impression qu'un essaim d'abeilles avait élu domicile dans son abdomen, et qu'il les sentait danser avec une frénésie incontrôlée   

    A nouveau, comme la fois précédente, la lumière rose qui se dessinait sous ses paumes se fit plus intense, et une forte lumière turquoise s'empara de ses rétines alors que le mur ondulait violemment. Ces ondulations, toujours aussi agréables que la première fois, ne faisaient qu'amplifier les battements de son cœur cette fois-ci. En cette dernière minute d'attente, Harry avait l'impression que son cœur allait exploser tant il battait vite !

    Puis, la lumière disparut et il sentit des mains douces se refermer sur les siennes… Il aurait pu reconnaître ses mains entre mille. Des doigts longs et effilés, une paume douce et accueillante et une poigne tendre mais possessive à la fois.

    Harry était tant ému en cet instant qu'il resta quelques instants sans réagir, croyant encore à un doux rêve tant les sensations qui vibraient en lui étaient fortes, et tant il les avaient rêvé et espérées ces deux derniers jours. C'était bien ses mains ! Elle était l ! Elle était revenue ! Pour lui…

    Alors que les doigts, qui étaient venus s'entrelacer naturellement aux siens, caressaient langoureusement sa peau, Harry se sentit frissonner, redécouvrant les sensations merveilleuses qu'ils lui avaient fait découvrir deux nuits seulement auparavant. Harry ressentait le besoin de montrer sa gratitude et son attachement à cette personne qu'il connaissait à peine et qui lui apportait tant. Il était bien conscient au fond de lui, qu'en fait, il ne connaissait pas du tout cette jeune fille, mais peut-être la connaissait-il bien en dehors de ce placard ? Laissant ces pensées de côté, il se décida à faire plus ample connaissance avec celle qui partageait ce placard avec lui en ce moment, qui qu'elle soit en dehors.

    Dans un geste de reconnaissance et d'allégeance, dans son esprit, il attira ses mains à sa bouche et commença à les baiser tendrement. Il voulait lui faire comprendre par ces simples baisers furtifs, mais au combien tendres, ce qu'elle représentait pour lui. Qu'elle n'était pas une vulgaire fille dans un placard, mais sa demoiselle, celle dont il avait tant besoin. Bien que toujours aussi respectueux, ses baisers se firent plus gourmands. Il laissait à présent ses sens prendre le dessus, et ses lèvres affamées s'entrouvraient légèrement à l'occasion pour laisser la chaleur et l'humidité de sa bouche se déposer avec délectation sur ces mains, sur ces doigts, happant et mordillant par endroit. Sa langue frôlait cette peau délicate, s'insinuant au creux des doigts pour y dessiner des arabesques complexes et sensuels.      

    Le souffle chaud de la jeune fille s'abattait à présent par vague régulière mais saccadées sur ses joues, ce qui lui fit prendre conscience que celle-ci s'était rapprochée de lui alors qu'il était perdu dans les formes qu'il peignait sur ses mains, sur les touches qu'il appliquait sur ses doigts. D'après le souffle saccadé qui balayait les mèches légères qui étaient devant ses yeux, Harry put se rendre compte pour la première fois de l'effet qu'il produisait chez la jeune fille, il prit conscience du plaisir qu'il semblait faire naître en elle. Il était confus et heureux à la fois, jamais il n'aurait cru être capable de tant de hardiesse, et encore moins de pouvoir donner du plaisir à quelqu'un ! Il se sentait lui-même si sale et repoussant que jamais il ne se serait imaginé que quelqu'un puisse réellement avoir du plaisir à être avec lui, de ressentir du plaisir grâce à lui…

    Alors que ces dents s'attaquaient tendrement à la chair des extrémités des doigts de sa compagne et que sa langue se mêlait au jeu, léchant langoureusement la chair à peine mordillée, et que sa bouche leur procurait une caverne protectrice soyeuse et chaude, il se sentit basculer brusquement en arrière.

    Le geste n'avait pas été violent, mais ne s'y attendant pas du tout, il avait été pris de surprise et avait quelque peu perdu l'équilibre. Pour rester sur ses jambes, Harry avait dû s'agripper aux coudes de la jeune fille et pour se stabiliser, il s'était reculé quelque peu et s'était retrouvé dos au mur, une poigne de fer tendre sur chaque épaule et une bouche plaquée sur la sienne.

    Harry était surpris par ce comportement, pas qu'il n'appréciât pas la position dans laquelle il se trouvait, mais il ne comprenait pas vraiment comment cette fille pouvait avoir tant de force et surtout agir ainsi. Mais bien vite, cette bouche quémandeuse sur la sienne lui fit oublier tout le reste !  

    Ce baiser n'avait rien à voir avec les précédents qu'ils avaient déjà partagés. La bouche de son assaillant était plaquée fortement sur la sienne, et semblait affamée ! Bien que le baiser ait été quelque peu agressif à  ses débuts, Harry trouva bien vite une position afin que son cou ne le fasse pas trop souffrir et inclina légèrement la tête sur le côté pour permettre un meilleur accès à son assaillant.

    Celui-ci ne tarda pas à entamer une danse langoureuse sur les lèvres de Harry afin d'obtenir ce qu'il voulait, une soumission totale, un accès complet à sa bouche, un baiser plus passionné, un baiser bien plus profond. Harry sentit une langue chaude et soyeuse dessiner des sillons humides sur ses lèvres déjà gonflées, lui faisant clairement comprendre ce qu'elle désirait, ce qu'elle clamait comme étant sien ! Harry ne se fit pas prier, et sans hésitation aucune, ouvrit la bouche pour accueillir cette chair humide et belliqueuse tant désirée. Celle-ci ne s'attarda pas à s'emparer de sa bouche, cherchant frénétiquement à découvrir les moindres recoins de sa bouche, lapant son palais, dessinant le contour de ses dents, suçant sa langue sans la moindre pudeur… Puis une fois cet excès de possession et de découverte barbare rassasiée, la langue se fit plus douce, plus joueuse et câline, et invita celle de Harry dans une valse soyeuse.

    C'était la première fois depuis Cho que Harry embrassait quelqu'un, et c'était très certainement complètement différent de ce qu'il avait ressenti et connu alors. Là où les lèvres de Cho avaient été hésitantes, là où sont cœur avait été froid, ces lèvres-ci étaient possessives et quémandeuses, et ce cœur semblait si chaud et si débordant. Ces lèvres le désiraient réellement. Et le cœur de cette inconnue semblait tel un volcan en irruption, passionné et ouvert.

    Harry aimait la sensation que lui procurait ce baiser si imposant, si entier. Il voulait prendre part activement à cette danse, il voulait être acteur de ses émotions et procurer à cette fille les mêmes sensations qu'elle faisait naître en lui, au creux de ses reins, en son cœur meurtri. Il suivait le rythme que lui imposait cette langue apparemment experte, le titillant quelque fois, le fuyant à d'autre, pour revenir plus affamée et le pousser à duel toujours plus sensuel, toujours plus torride.

    Harry se sentant plus sûr de lui que jamais, mais aussi quelque peu perdu par ce tourbillon de sentiments qui naissaient en lui, décida de prendre part plus activement à ce duel sensuel, il ne savait pas combien de temps leur était encore imparti, mais il avait besoin de plus. Il avait besoin de toucher cette personne, de la découvrir. Ses mains quittèrent les coudes de l'assaillant, qu'il tenait jusqu'alors de peur de ne pas tenir sur ses jambes tremblantes, pour venir se poser à son tour sur ses épaules. C'est cet instant que l'assaillant choisi pour resserrer leur étreinte, profitant de l'espace qu'avait laissé les mains de Harry. Plus par réflexe que par gestes calculés, Harry posa ses mains à plat contre la poitrine de son assaillant de peur de perdre complètement pied si leurs corps venaient à se toucher avec tant d'intimité.

    Toujours perdu dans ses sensations, Harry commença à caresser cette poitrine, formant des petits cercles récurrents avec ses paumes. Comme cette sensation était agréable ! Les mains de Harry se firent plus sûres et plus précises, et ses caresses plus langoureuses. Il aimait la sensation de ce corps sous ses mains, les battements de ce cœur qui résonnaient contre ses paumes. Plus ses caresses se faisaient suggestives, plus il prenait conscience de quelque chose qui était là dans son esprit et qui lui disait que quelque chose n'allait pas. Il ne voulait pas écouter cette petite voix qui surgissait de son subconscient et qui menaçait de tout gâcher, mais elle se faisait de plus en plus insistante, et Harry n'eut d'autre choix que d'y accorder un intérêt. Qu'est-ce qui n'allait pas ? Qu'est-ce qui clochait ?

    Alors que sa langue continuait à danser en harmonie avec celle de son assaillant, et que ses doigts continuait à se promener langoureusement sur cette poitrine, il prit conscience soudainement de ce qui clochait. Ses mains ne cessaient de dessiner des arabesques folles, et ses doigts ne cessaient de palper frénétiquement les muscles bien développés de cette poitrine, de ce torse aux proportions parfaites… parfaitement masculines !!! Pour confirmer cette vérité qui s'imposait de plus en plus clairement à son esprit, il laissa ses doigts vagabonder le long de cet abdomen plat et musclé sans pour autant quitter ces lèvres qui lui plaisaient tant, qui le rendaient fou ! Alors qu'il atteignait, sans s'en rendre réellement compte, le haut du pantalon, un gémissement rauque naquit dans la gorge de son assaillant et vint se perdre dans sa bouche.

    Plus aucun doute n'était possible à présent… Cet assaillant, cet inconnu, cette personne qui lui était si chère, était un homme ! UN HOMME !!! Harry était abasourdi par la vérité qui venait de s'imposer à lui… Il était complètement perdu…

    Cette poitrine, ces muscles, ce gémissement étouffé, cette possessivité… Tout cela était bel et bien masculin… C'était si évident à présent !

    Son assaillant, cet homme qui faisait naître des sentiments si contradictoires en lui, dut s'apercevoir du manque de participation soudaine de Harry, et le plaqua un peu plus contre le mur, pas violemment, mais suffisamment fort pour rapprocher encore leurs deux corps et pour placer son genou entre les jambes flageolantes de Harry. Ce dernier étouffa un cri de plaisir lorsque le genou de cet homme, son homme, vint effleurer une zone si sensible, et étonnamment réactive. Harry ne comprenait pas, il ne savait plus où il en était. Il savait à présent que cet inconnu était un homme, et pourtant, il répondait toujours avec autant d'enthousiasme et d'ardeur à ses baisers, et son membre douloureusement dressé à présent lui confirmait honteusement qu'il se contrefichait de la nature du sexe de la personne qui l'émoustillait tant, qui le faisait vibrer, qui le faisait sentir, ressentir vraiment !

    Harry ne voulait pas penser pour le moment, il ne le pouvait pas ! Il avait besoin de lui !

    Ses mains se posèrent à nouveau sur ce corps, si proche du sien, et vinrent se nicher sur les épaules larges et solides, puis dans de lent mouvements de va-et-vient, se rapprochèrent du cou. Il pouvait sentir que son homme était tendu, et que de nombreux nœuds s'étaient formés à la base de son cou… C'était peut-être quelqu'un de nerveux, ou alors peut-être avait-il passé quelques nuits agitées dans l'attente de celle-ci ? Harry se mit à masser langoureusement et avec talent ces épaules, remontant lentement le long de la nuque, pour se perdre enfin dans les haut du cou, venant y frôler les quelques mèches soyeuses qui y naissaient. Il laissait ses doigts travailler avec volupté et eut le plaisir de sentir son homme trembler sous ses doigts, se saisir un peu plus fermement de ses épaules, et pousser de légers gémissement étouffés dans sa bouche.

    Harry aimait la sensation de ce corps sous ses mains, il aimait le son de ces gémissements. Il ne pensait plus au fait qu'il était en présence d'un autre homme, il ne pensait plus à rien d'autre qu'à détendre ses muscles, qu'à lui procurer du plaisir par ce biais. Harry avait l'habitude de masser ses coéquipiers après de longs entraînements ou de matchs douloureux, et tous étaient d'accord pour dire qu'il était très doué, mais jamais Harry ne s'était imaginé qu'il puisse user de ce talent pour faire plaisir et non pas uniquement pour soulager. Il voulait LUI donner du plaisir tout comme lui en avait à son contact, à ses baisers.

     

    A nouveau, il sentit ce vent glacial venir s'abattre sur lui, il savait ce que vent signifiait, il savait qu'ils allaient à nouveau être séparés… Il ne le voulait pas… Son assaillant dut le sentir, et se détacha lentement de lui, puis tendrement, alors que Harry ne s'y attendait nullement, vint déposer un tendre et chaste baiser sur le coin de ses lèvres. Le contact ne dura qu'un bref instant avant qu'il ne disparaisse emporté par la nuit. Harry se retrouva à nouveau seul dans ce placard sombre, le souffle court et pantelant. Il savait qu'il ne trouverait pas le sommeil cette nuit, son cœur pris dans un étroit étau, et son esprit perdu dans une tempête démentielle.


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